Au regard de la crise sanitaire récente et du « home office » incidentel massif qui en a découlé, un certain nombre de mesures dérogatoires à destination des employés qui résident dans les pays limitrophes ont été mises en place pour en neutraliser les effets juridiques, tels les frontaliers. Avec la normalisation de la situation sanitaire avant l'été, la fin de la recommandation de systématisation du télétravail par le Conseil Fédéral émise le 22 juin dernier, une levée progressive de ces mesures temporaires avait vu le jour, avec des cessations des approches dérogatoires fiscales et sociales à fin juillet, puis étendue ensuite à fin août.

En raison de la reprise épidémique et des fortes incertitudes sanitaires en découlant, le recours massif au travail à distance va rester un outil de lutte contre la diffusion virale.

 

Après de longues discussions, la France et la Suisse sont convenues que leur responsabilité collective rendait inéluctable de prolonger l'ensemble du dispositif fiscal et social dérogatoire au 31 décembre 2020.

 

Fiscalité | La dérogation reposant sur l’accord du 13 mai 2020 finalement reconduite jusqu'au 31 décembre 2020.

  • Afin de maintenir la sécurité juridique, la Suisse et la France ont conclu le 13 mai dernier un accord amiable provisoire, qui règle la question de l’imposition de leurs frontaliers respectifs exerçant en télétravail. Pour ces frontaliers, les accords fiscaux conclus entre les deux pays continuent de s’appliquer comme précédemment, tant que les mesures sanitaires exceptionnelles sont en vigueur.
  • L’accord découle des dispositions du point 3 de l’article 27 de la Convention entre la France et la Suisse du 9 septembre 1966, en vue d’éliminer les doubles impositions en matière d’impôts sur le revenu et sur la fortune et de prévenir la fraude et l’évasion fiscales. Il est ainsi prévu que les autorités compétentes s’efforcent de résoudre les difficultés auxquelles l’application de la Convention peut donner lieu. Rarement actionnée, cette clause a été mise en oeuvre considérant que l’épidémie liée au COVID-19 présente un caractère exceptionnel, ponctuel et incertain qui entraîne la mise en place de mesures elles-mêmes exceptionnelles.
  • En application de l'accord, les frontaliers en télétravail continuent de bénéficier des régimes d’imposition applicables comme s’ils s’étaient rendus physiquement sur leur lieu de travail habituel. Les frontaliers résidents en France continuent d’être imposés en France, à l’exception de ceux travaillant à Genève qui continuent d’être imposés à la source en Suisse. L'option pour une imposition au lieu de résidence reste possible concernant les jours y afférants.
  • Les dispositions de cet accord amiable prennent effet rétroactivement à compter du 14 mars 2020. Après avoir été prolongé une première fois au 31 juillet 2020, puis au 31 août 2020, l'accord amiable en matière fiscale produira ses effets jusqu'au 31 décembre 2020. L'avenant actant de cette prolongation d'un régime exceptionnel a été ratifié par les autorités compétentes ce 28 août, information confirmée formellement par l'Administration fiscale suisse à RSM. Ledit avenant sera mis en ligne dès que rendu public.
  • Si cette extension était très attendue par les opérateurs économiques locaux et apporte un bol d'air aux entreprises et leurs employés frontaliers, il convient de garder à l'esprit qu'à compter de 2021, les employeurs genevois devront considérer à nouveau l'élément fiscal dans leur gestion des ressources.
  • Parfois méconnue et souvent inappliquée, l'arsenal de règles applicables induit que les jours de travail déployés en France - incluant le « home office» - sont en principe imposables dans cet Etat, seuls les jours de travail physiquement déployés sur le sol suisse y restant in fine imposables. Au-delà du sujet épineux du prélèvement à la source dans chacun des deux Etats par l'employeur suisse, les ajustements se font par les dépôts déclaratifs l’année suivante. 
  • Si 2020 s’apparente à une année transitoire, les employeurs doivent par ailleurs anticiper la mise en œuvre de la révision de l’impôt à la source 2021 au terme de laquelle ils pourront moduler la base d’impôt à la source de leur employés non-résidents (tels les frontaliers) sans accord explicite de l’Administration fiscale cantonale.
  • En contrepoint, ils devront en principe mettre en place la procédure de prélèvement à la source dite « PASRAU » coté France, pour s’acquitter du paiement du prélèvement à la source français relatifs au jours où leurs employés frontaliers y travaillent.

 

Sécurité sociale | Une approche dérogatoire flexible étendue également jusqu'au 31 décembre 2020.

  • Durant la crise sanitaire, pendant la situation exceptionnelle, la règle dérogatoire était que l’assujettissement à la sécurité sociale ne devait pas changer en raison des restrictions relatives au COVID-19 et qu'une personne restait considérée comme travaillant en Suisse à son lieu de travail habituel, même si elle était empêchée d'y exercer physiquement son activité.
  • Cette interprétation souple, qui tenait compte de la situation de force majeure, correspond également aux recommandations de l'UE sur l'application du droit communautaire de coordination en la matière.
  • En conséquence, la règle découlant du Règlement UE 883/2004 qui érige comme plafond 25% d'activité substantielle réalisée dans l'Etat de résidence pour rester affilié dans son Etat d'emploi (donc moins de 25% sur 12 mois consécutifs travaillés en France pour un frontalier à la Suisse) est temporairement écartée.
  • Depuis le 22 juin 2020, comme la plupart des employés pouvaient désormais à nouveau exercer physiquement leur activité en Suisse, cette interprétation temporairement flexible des règles d’assujettissement devait progressivement cesser pour revenir au droit commun.

 

L'aggravation sanitaire relevée dans les dernières semaines a eu raison des réticences, et à l'instar de l’Allemagne, l'accord amiable avec la France a été prorogé, maintenant l'application flexible des règles d’assujettissement resterait valable jusqu’au 31 décembre 2020.

 

  • Dans les relations entre la Suisse et les autres Etats UE/AELE, les règles souples d’assujettissement devraient s’appliquer également jusqu’à la fin de l’année, sous réserve d’accord contraire.
  • A noter que pour les personnes soumises à une convention bilatérale de sécurité sociale, l’assujettissement ne change pas lorsqu’une personne est temporairement dans l'incapacité d'exercer son activité sur le territoire suisse en raison de la situation liée au coronavirus.
  • Pour les personnes employées en Suisse qui résident dans un Etat qui n’a pas conclu de convention de sécurité sociale avec la Suisse, l’assujettissement en Suisse demeure même si elles ne peuvent pas temporairement se rendre sur leur lieu de travail en Suisse en raison du coronavirus. Il en va de même pour les personnes nouvellement employées en Suisse qui ne peuvent pas se rendre sur leur lieu de travail en Suisse en raison du coronavirus, mais qui ont tout de même commencé leur activité conformément au contrat de travail.

 

Coronavirus : normalisation de la situation et implications pour la sécurité sociale dans un contexte international

 

Eu égard aux incertitudes sanitaires visant l'Europe pour les prochains mois, il est satisfaisant que le bon sens l'ait emporté et que le dispositif dérogatoire soit ainsi étendu jusqu’à la fin 2020. Ces mesures entérinées par la voie conventionnelle donnent un haut niveau de sécurité juridique aux opérateurs économiques et rend le régime juridique et fiscal applicable aux frontaliers clair et lisible, et partant les employeurs moins réticents quant au travail à distance.