Contexte

Jusqu’au 31 décembre 2020, la coordination des systèmes de la sécurité sociale entre la Suisse et le Royaume Uni était réglé par les Règlements (CE) n° 883/2004 et (CE) n° 987/2009, qui étaient applicables sous le régime de l’Accord sur la Libre Circulation des Personnes (ci-après « ALCP »).

Sans qu’un nouvel accord ne soit trouvé, ce régime a pris fin au 1er janvier 2021. La coordination était provisoirement assurée par l'application de l'ancienne convention bilatérale de 1968 entre la Suisse et le Royaume-Uni. Toutefois, ce document ne constituait pas un remplacement équivalent, car il avait une portée limitée et n'avait jamais été mis à jour depuis son entrée en vigueur.

Le 9 septembre 2021, le Royaume-Uni et la Suisse ont signé une nouvelle convention coordonnant les systèmes de sécurité sociale des deux États. La nouvelle convention de coordination des assurances sociales (ci-après, « la Convention ») est appliquée provisoirement depuis le 1er novembre 2021. Cela permet de minimiser les effets négatifs potentiels qui pourraient résulter de l'absence de législation pendant la période allant jusqu'à l'approbation de la convention par les parlements des deux États. Le 27 avril 2022, le Conseil Fédéral Suisse a transmis son approbation de la Convention au parlement suisse ; l’approbation du côté suisse ne devrait donc pas tarder.

Ce nouveau document garantit que la plupart des droits et obligations découlant de l'ALCP sont maintenus, mais adaptés aux relations bilatérales spécifiques entre la Suisse et le Royaume-Uni. La convention stipule notamment que l'on ne peut être assujetti qu'au système de sécurité sociale d'un seul État à la fois, et donc ne payer ses cotisations de sécurité sociale qu'à cet État. La convention couvre également la possibilité de bénéficier de certaines prestations de sécurité sociale des personnes vivant à l'étranger dans l'autre État. Il donne la priorité à l'égalité de traitement et à une perturbation minimale pour les personnes concernées, conformément à la stratégie suisse « mind the gap ».

 

 

Champs d’application

 

Champ d’application territorial

La Convention s’applique en Suisse d’un côté et au Royaume-Uni et Gibraltar de l’autre ; toutefois, les îles britanniques ne sont pas concernées. Sont ainsi exclues du champ d’application de la Convention l’île de Man, Jersey et Guernesey.

 

Champ d’application personnel

La Convention ne s’applique pas qu’aux ressortissants suisses et britanniques habitant dans l’autre pays, mais aussi aux ressortissants de l’UE, les apatrides et les réfugiés. En tout cas, la condition est que la personne doit être ou avoir été soumise à la législation de l’un des états ou des deux. En plus, le Royaume-Uni applique la Convention de manière unilatérale aux ressortissants des pays tiers remplissant la condition susmentionnée, alors que la Suisse l’étend aux ressortissants des pays tiers seulement pour la détermination du droit applicable. 

 

Champ d’application matériel

La Convention couvre moins de domaines que l'ALCP, mais plus que les autres conventions bilatérales de sécurité sociale que la Suisse avait conclues précédemment. Cela signifie que, du côté suisse, elle traite principalement des assurances vieillesse et survivants, invalidité, maladie et accidents. Elle clarifie également le régime de sécurité sociale applicable et les détails de son application dans un certain nombre de situations.

 

Couverture et prestations du 1er pilier

La Convention stipule que les pensions de vieillesse et de survivants peuvent être exportées et donc versées partout dans le monde. Il n'en va pas de même pour les pensions d'invalidité ou extraordinaires, car la convention exclut expressément la possibilité pour les citoyens britanniques de percevoir ces pensions en vivant au Royaume-Uni. Il convient de noter que cela ne s'applique pas aux ressortissants suisses ou européens. En outre, étant donné que l'ancien accord sur les droits des citoyens prévaut sur ce document, le droit à ces pensions acquis sous le régime de l'ALCP persistera quoi qu'il en soit, et cette limitation n'est donc pas très étendue en pratique.

La possibilité pour les citoyens britanniques d'adhérer à l'AVS facultative suisse est également exclue. Elle persiste pour les Suisses et les ressortissants de l'UE qui remplissent l'exigence légale d'avoir été soumis à l'assurance vieillesse et survivants obligatoire pendant les cinq années précédentes.

Il est également à noter qu’il n’y pas d’obligation d’exporter les prestations de chômage, contrairement au régime d’ALCP.

 

Couverture et prestations du 2e pilier

Etant donné que les questions de libre circulation des personnes en matière d'assurance professionnelle ne sont pas couvertes par la Convention, c'est le droit national suisse qui s'applique. Plus important encore, cela signifie que les personnes qui quittent définitivement la Suisse pour s'installer au Royaume-Uni peuvent retirer l'intégralité de leurs prestations de libre passage, et pas seulement la partie sur-obligatoire comme c'était le cas sous l'ALCP.

 

Assurance-maladie

En matière d'assurance maladie, la Convention institue un système de coordination basé sur celui en vigueur dans l'UE. Plus précisément, la convention garantit l'accès aux soins de santé dans chaque État aux personnes assurées dans l'autre, celles-ci étant traitées comme si elles étaient assurées par le second État et leurs frais de soins de santé étant ensuite facturés à l'assureur compétent.

 

Domaines exclus

La Convention exclut les questions relatives aux allocations familiales et à diverses prestations complémentaires. Cela signifie que ces matières restent régies exclusivement par le droit suisse.

 

 

Assujettissement

La règle générale est qu'une personne travaillant dans l'un des États contractants, ou employée par lui en tant que fonctionnaire, est soumise à la législation de cet État. Sinon, la règle est que l'on est soumis à la législation de l'État de résidence ; toutefois, d'autres situations sont également prévues par la Convention.

 

En cas de détachement d’un salarié

Les travailleurs détachés peuvent rester soumis au régime de sécurité sociale de leur État d'origine pendant 24 mois au maximum, à condition que le travailleur détaché ne soit pas envoyé pour en remplacer un autre.

Des exceptions à ces règles peuvent être demandées, y compris pour les travailleurs détachés, notamment pour permettre des durées de détachement plus longues sans perturber la règle qui veut que l'Etat d'origine reste compétent. Les autorités désignées par les Etats contractants peuvent accorder ces exceptions d'un commun accord.

 

En cas de pluriactivité

Les personnes qui exercent une activité lucrative dans les deux Etats contractants sont généralement soumises au régime de sécurité sociale du pays de résidence si elles y exercent une partie substantielle de leur activité. Le terme "substantiel" est défini comme représentant au moins 25% du temps de travail, de la rémunération, du revenu ou autre. Cette règle est tirée des règlements européens (CE) n° 883/2004 et (CE) n° 987/2009.

 

Conclusion

La nouvelle Convention helvético-britannique de coordination en matière de sécurité sociale vient s'ajouter à la liste croissante des documents qui clarifient les relations entre les deux États après le Brexit. Même si son champ d'application est plus limité que le régime de l'ALCP, elle est plus étendue que les autres conventions bilatérales de sécurité sociale conclues par la Suisse. Cela est parfaitement logique, car les relations de la Suisse avec l'UE sont plus étroites et nécessitent donc inévitablement une réglementation plus étendue : avec le Royaume-Uni, ex-membre de l'UE, la Suisse a conclu un accord de mi-chemin qui offre des clarifications sans exiger d'engagements qu'aucun des deux États ne souhaitait peut-être pas.

Pour les personnes concernées, qu'il s'agisse de Suisses, de Britanniques ou de ressortissants de l'UE, la Convention peut, à certains égards, apparaître comme un dispositif diminué par rapport au régime plus exhaustif de l'ALCP. Toutefois, après une période de lacunes législatives et d'application de l'accord de 1968, il convient de saluer ce changement qui apporte plus de certitude.

 

Pour en savoir plus sur les relations post-Brexit entre la Suisse et le Royaume-Uni, nous vous invitons à consulter notre article détaillé sur les questions d’immigration et de coordination de sécurité sociale.

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