La puissance des réseaux sociaux n’a cessé de s’affirmer depuis leur apparition, aussi bien pour un usage personnel que pour un usage professionnel. Sources d’opportunités, les entreprises y ont recours régulièrement : promotion de l’image, recrutement, publications techniques, messagerie interne.

Les salariés, personnellement et fortement intégrés au sein de leurs communautés au travers de ces outils de sociabilité, ne conçoivent pas de mettre sur pause, sur leur lieu de travail et durant leurs horaires de travail, leurs participations aux réseaux sociaux. A cet égard, si une utilisation raisonnée et limitée ne semble pas poser de problème, l’usage répété peut rapidement devenir source de conflit. Quel usage des réseaux sociaux au bureau ? Quelles sont les limites ?

 

L’usage personnel d’internet au bureau : un droit pour le salarié ?

Le Code du travail pose le principe selon lequel, nul ne peut apporter de restrictions aux droits des personnes et aux libertés individuelles et collectives, restrictions qui ne seraient pas justifiées par la nature de la tâche à accomplir ni proportionnées au but recherché (article L. 1121-1 du Code du travail). Pour autant, l’employeur qui met à disposition du salarié une connexion internet le fait avant tout pour lui permettre d’exécuter son travail et non pour lui permettre de rechercher le lieu de ses prochaines vacances ou pour réserver un vol. Si une tolérance d’utilisation à titre privée est tacitement acceptée par les employeurs, c’est à la condition qu’elle reste raisonnable et raisonnée.

L’usage d’internet à titre personnel pendant le temps de travail doit donc demeurer exceptionnel. Sur ce point précis, la jurisprudence s’est déjà prononcée : la Cour de cassation a ainsi jugé que le salarié qui use de la connexion internet de l’entreprise de manière déraisonnable (en l’espèce, le salarié totalisait 41 heures de connexion pour des usages à des fins non professionnelles sur un mois), manque à ses obligations et s’expose à un licenciement (chambre sociale, 18 mars 2009, n°07-44.247), tout comme la salariée pour laquelle il a été relevé 10 000 connexions à des sites extra-professionnels en 18 jours pendant son temps de travail (Cass. soc. 26 février 2013, n°11-27.372).

Pour déterminer le caractère abusif ou non des connexions, plusieurs critères pourront être pris en considération par les juges tels que :

  • La fréquence et la durée des connexions,
  • Si les connexions ont lieu pendant ou en dehors des horaires de travail ou encore,
  • L’impact sur le fonctionnement de l’entreprise ou le travail fourni par le salarié.

Tout est ici affaire de proportion.

 

Quel contrôle des connexions personnelles par l’employeur ?

Pour atteindre et diffuser la bonne pratique de ces usages, il est recommandé à l’employeur d’encadrer l’utilisation du matériel et des connexions au sein de l’entreprise à travers le règlement intérieur ou une charte informatique. Pour éviter toute tentation des salariés à l’utilisation de sites dont la consultation n’est pas nécessaire à l’exercice de leurs fonctions, l’employeur peut également bloquer leur accès ou le limiter à certaines plages horaires. Il peut notamment s’agir des réseaux sociaux, qui, hormis pour certaines professions pour lesquelles ils peuvent constituer un véritable outil de travail (comme consultant en recrutement), sont majoritairement utilisés par les salariés à des fins personnelles.

 

Un contrôle limité de l’utilisation des outils

Il convient également de rappeler que, dans le cadre de son pouvoir de direction, l’employeur peut parfaitement imposer le contrôle de l’utilisation des outils mis à la disposition des salariés pour l’exécution de leur travail. Ce contrôle, à même de s’exercer en dehors de la présence du salarié, se traduit pour l’employeur par le droit de consulter l’historique des connexions internet sans pour autant enfreindre la vie privée de la personne contrôlée. En effet, l’utilisation ayant lieu à titre personnel pendant le temps de travail et grâce aux outils de l’entreprise, les connexions sont par nature présumées avoir un caractère professionnel (Cass. soc. 9 juillet 2008 n°06-45.800). Le pouvoir de direction de l’employeur n’est pas pour autant absolu. Il n’est ainsi pas en droit de consulter le compte Facebook d’un salarié même à travers un téléphone professionnel (Cass. soc. 20-12-2017, n°16-19.609).

 

La liberté d’expression, un droit restreint

Si le temps d’utilisation peut faire l’objet d’un contrôle, le contenu n’en demeure pas libre pour autant. La liberté d’expression du salarié se doit de rester dans les limites du respect des obligations de loyauté et de confidentialité. Un salarié ne peut pas tout dire, tout écrire, porter atteinte à la réputation de son employeur ou diffuser des informations confidentielles. Une distinction est cependant opérée par les tribunaux selon que les propos sont tenus dans la sphère privée ou publique. Ne seront sanctionnables que les publications faites sur un réseau social public. La liberté d’expression prévaut tant que les propos s’expriment dans un contexte privé. En ce sens, la Cour de cassation a déjà eu l’occasion de préciser que les propos injurieux diffusés par une salariée sur son compte Facebook accessibles aux seules personnes agréées par cette dernière et composant un groupe fermé de quatorze personnes relèvent d’une conservation de nature privée et ne sont par conséquent pas constitutifs d'une faute grave (Cass. soc. 12-9-2018 n° 16-11.690).

Perte de temps, de productivité, manque de professionnalisme ou encore atteinte à la réputation de l’entreprise, les réseaux sociaux, pour qu’ils ne deviennent pas un danger doivent être maitrisés. La difficulté pour l’employeur réside dans le contrôle ab initio des espaces digitaux où cohabitent tous les centres d’intérêt des salariés, et où les limites entre vie professionnelle et vie privée ne sont pas toujours faciles à établir.

Expert en droit social, RSM peut vous aider à sensibiliser vos collaborateurs sur les risques des réseaux sociaux à travers la rédaction d’un règlement intérieur ou d’une charte informatique.

Pauline Tuil, Manager en droit social

Etienne de Bryas, Associé