Audit des TPE-PME : il est urgent d’harmoniser les standards en Europe

La profession comptable doit inciter le normalisateur mondial des normes d’audit (l’International Auditing and Assurance Standards Board – IAASB) à préparer un standard spécifique visant à simplifier les normes d’audit pour les petites et moyennes entreprises.

Alors qu’une inflation des seuils d’audit a eu lieu en Europe, certains pays européens, comme la France, la Belgique et les pays nordiques, ont commencé à développer, à l’instar des États-Unis, leurs propres normes d’audit TPE-PME. Or, ces normes devraient être harmonisées à l’échelle internationale pour mieux répondre aux enjeux de ces entreprises, parties prenantes et dirigeants.

La crise sanitaire et économique accroit les risques de continuité d’exploitation pour les TPE et PME, et les auditeurs/commissaires aux comptes ont besoin de normes adaptées pour apporter de la crédibilité aux fournisseurs ou aux prêteurs qui utilisent les comptes de ces entreprises. L’association des experts-comptables européens (Accountancy Europe) a d’ailleurs relancé l’IAASB, en juin dernier, pour accélérer le processus de normalisation, en vue de proposer un projet d’ici la fin de l’année 2020.

Une problématique qui n’est pas nouvelle pour le normalisateur mondial

Les normes d’audit acceptées aujourd’hui mondialement (ISA) sont sans aucun doute très positives pour la profession comptable et ses parties prenantes, car à mesure que les entreprises continuent de se mondialiser, la cohérence des normes d’audit et de certification profite à toutes les parties concernées. Cependant, depuis quelques années, ces standards posent des problèmes aux audits d’entreprises plus petites. Certains professionnels craignent, en effet, que les normes ISA puissent être difficiles à appliquer lors du contrôle des comptes de TPE-PME, car non proportionnelles à ce type d’entreprises et laissent moins de place au jugement professionnel, renforçant ainsi la pression sur les auditeurs/commissaires aux comptes.

Pour répondre à ces préoccupations, l’IAASB avait initié en 2004/2006 un vaste projet dénommé "Clarity Project" pour reformater les normes ISA et simplifier leur formulation et structure. Le normalisateur a ainsi retravaillé chaque norme pour aboutir à des standards plus faciles à lire, et réduire ainsi les désaccords/incompréhensions.

Un nouveau concept : les "entreprises ayant peu ou pas de complexités"

Les différents débats engagés ces dernières années ont conduit à définir ce qu’est une TPE-PME, pour lui adapter une méthodologie d’audit spécifique. C’est ainsi qu’est née la notion d’"entreprise présentant peu ou pas de complexité", c’est-à-dire d’une entreprise relativement petite en termes d’effectifs et de nombre de parts de marché. Cependant, la définition d’une telle entreprise n’a pas grand-chose à voir avec la taille.

En effet, une TPE peut avoir très peu de personnel, mais des transactions très complexes où, au contraire, fabriquer ou vendre un volume accru de produits ou de services simples. De son côté, le normalisateur mondial IAASB a estimé en juillet 2019 (malgré l’existence d’autres critères) qu’il était approprié de se concentrer sur la complexité de l’entreprise plutôt que sur sa taille.

Quelles sont les solutions envisagées aujourd’hui ?

Deux approches s’offrent au normalisateur : soit réviser les normes actuelles afin de supprimer une partie de leur complexité et de créer un corps de normes plus accessibles tout en conservant les mêmes niveaux d’assurance, soit élaborer de nouvelles normes spécifiques à ces entreprises ou un nouveau guide pour l’audit de ces entreprises.

La meilleure solution consisterait pour l’IAASB à proposer un standard disposant d’un langage et d’une structure plus clairs pour identifier plus rapidement les exigences qui s’appliquent à la situation spécifique des TPE-PME et surtout un standard, utile à la compréhension de l’audit par le public et les régulateurs.

Il est important que ces normes soient rédigées à partir d’une base simple, à affiner par la suite, plutôt que d’un corps de normes lourdes et complexes, dans lequel les auditeurs/commissaires aux comptes de TPE-PME devront adapter ces standards aux spécificités de l’entreprise. Rédiger les normes de manière évolutive serait ainsi la preuve que celles-ci sont elles-mêmes évolutives, évitant ainsi de faire peser la responsabilité de l’application de normes inadaptées sur les cabinets d’audit.

Normes d’audit : une clé de rebond des PME

Depuis de nombreuses années, la conception d’un référentiel d’audit applicable au contrôle des comptes des TPE-PME est un véritable challenge. Jusqu’à présent, la réponse apportée par les pays européens à consister à soit exempter d’audit ces entreprises, soit créer des normes d’audit qui ne répondent pas aux standards mondiaux. Il est donc urgent pour le normalisateur IAASB, de relever ce défi en relançant son projet laissé de côté depuis 2018. Gageons que les pouvoirs publics participent aussi à ce projet, comme c’est le cas pour l’impact du développement durable sur les activités et les marchés des PME, sujet pour lequel Bruxelles requiert l’implication ces dernières considérées – "épines dorsales" de l’économie européenne.


Une tribune de Jean-Charles Boucher (Associé RSM, membre du collège de l'Autorité des normes comptables), parue sur Les Echos.