La loi Pacte de 2019 a introduit la qualité de société à mission (article 176 de la loi). Elle va plus loin que l’adoption d’une raison d’être, puisque les statuts de l’entreprise doivent non seulement préciser une raison d’être, mais aussi un ou plusieurs objectifs sociaux et environnementaux, que l’entreprise se donne pour mission de poursuivre dans le cadre de son activité. Comment structurer juridiquement cette qualité attribuée volontairement à l’entreprise ? Quelles sont les implications juridiques qui en découlent ?

Les principaux avantages à devenir une société à mission sont :

  • donner un sens éthique aux activités de l’entreprise ;
  • fédérer les équipes autour d’un projet commun ;
  • améliorer l’image de marque et la visibilité de l’entreprise ;
  • collaborer avec des acteurs dans le domaine de la mission que l’entreprise s’est fixée ;
  • améliorer la performance économique ;
  • protection contre les rachats hostiles ;
  • renforcer la marque employeur.

A noter : l’obtention du statut d’entreprise à mission ne confère, à ce jour, aucun avantage fiscal, financier ou social.

 

Comment devenir une société à mission ?

Toute société commerciale enregistrée au RCS peut devenir une société à mission. Par extension, cela concerne également les mutuelles et coopératives. Il n’est pas nécessaire de changer de forme juridique : il s’agit d’une qualité et non d’un nouveau statut juridique.

Pour devenir société à mission, trois éléments principaux doivent être inscrits dans les statuts :

  • Une raison d’être ;
  • Un ou plusieurs objectifs sociaux et environnementaux associés que la société se donne pour mission de poursuivre dans le cadre de son activité
  • Les modalités de suivi de l’exécution de la mission, par la mise en place d’une gouvernance protectrice de la mission : il s’agit de mettre en place un « comité de mission » ou un « référent de mission » (pour les entreprises de moins de 50 salariés).

En pratique, la mission s’apparente à un objet social étendu, elle doit être suffisamment claire et engageante. Afin de limiter les coûts et une réécriture régulière des statuts, il conviendra de ne pas entrer dans le détail des actions mises à mettre en place pour atteindre la mission.

Une fois la mission définie, la société devra prendre des engagements qui lui permettront de mettre en œuvre la mission : fixation d’objectifs statutaires, mise en place d’un calendrier, répartition des responsabilités, etc.

Enfin, l’entreprise doit déclarer la qualité de société à mission au Greffe du Tribunal de commerce pour publication au Registre du commerce et des sociétés.  Les mutuelles et coopératives sont exemptées de la déclaration au greffe.

 

Quelles modalités de suivi de la mission et de contrôle mettre en place ?

Une gouvernance spécifique doit être mise en place, dont la principale mission sera de contrôler la cohérence entre la raison d’être de la société et ses pratiques.

Cette gouvernance consiste en la constitution :

  • d’un comité de mission ou ;
  • d’un référent de mission pour les sociétés de moins de 50 salariés.

Le comité de mission

Le comité de mission est chargé exclusivement du suivi de la mission. Il est distinct des organes sociaux et n’est pas doté de la personnalité juridique.

Il appartient aux statuts de la société de déterminer la composition du comité (précision faite qu’il doit comporter, a minima, un salarié), fixer les critères permettant d’en déterminer les membres ou encore d’arrêter le mode de désignation desdits membres.

Il peut être composé de personnes externes à la société.

Les membres du comité de mission doivent procéder à toute vérification qu’ils jugent opportune et, peuvent, à ce titre, exiger que leur soit communiqué tout document nécessaire au suivi de l’exécution de la mission. A l’issue du suivi réalisé, le comité de mission présente annuellement un rapport, joint au rapport de gestion, à l’assemblée chargée d’approuver les comptes annuels de la société.

Dans les petites entreprises au sens de l’article L. 123-16 du Code de commerce, qui sont dispensées de l’obligation d’établir un rapport de gestion, le rapport du comité de mission est directement remis aux associés.

Le référent de mission

Dans les sociétés qui emploient, au cours d’un exercice, moins de 50 salariés permanents, il est possible de substituer au comité de mission, un référent de mission. Cette substitution doit être prévue dans les statuts qui déterminent les modalités de désignation de ce référent. Il peut s’agir d’un salarié de la société, à condition toutefois que son contrat de travail corresponde à un emploi effectif, ou de toute personne extérieure à la société.

Le référent de mission dispose des mêmes devoirs et pouvoirs d’investigation que le comité de mission et peut, à ce titre, procéder à toute vérification qu’il estime opportune et exiger la communication de tout document qu’il estime nécessaire à l’exécution de sa mission.

Contrôle par un Organisme Tiers Indépendant (OTI)

Par ailleurs, un contrôle externe a également été mis en place par le législateur. Lla vérification de la bonne exécution des objectifs fixés est réalisée par un organisme tiers indépendant.

Cet organisme tiers qui est désigné par l’organe chargé de la gestion de la société, sauf clause statutaire contraire, doit être accrédité par le Comité français d’accréditation (COFRAC) ou par toute autre structure d’accréditation signataire de l’accord de reconnaissance multilatéral établi par la coordination européenne des organismes d’accréditation.

Pour assurer sa mission, le tiers indépendant a accès à l’ensemble des documents détenus par la société et utiles à la formation de son avis. Il peut procéder à toute vérification sur place qu’il estime utile au sein de la société.

La première vérification des objectifs par le tiers indépendant a lieu dans les 18 mois suivant la déclaration de la qualité de « société à mission » au registre du commerce et des sociétés. Le délai est porté à 24 mois pour les sociétés de moins de 50 salariés permanents. Une fois la première vérification réalisée, un contrôle similaire doit être réalisé au moins tous les 2 ans voire tous les 3 ans dans les sociétés employant moins de 50 salariés permanents.

La vérification donne lieu à un avis, joint au rapport de gestion communiqué aux associés lors de l’assemblée approuvant les comptes annuels de la société. L’avis est publié sur le site internet de la société et demeure accessible publiquement pendant, a minima, 5 ans.

 

Quelles conséquences en cas de non-respect des obligations de suivi ou de contrôle ?

Peut-on perdre la qualité de « société à mission » ?

Si le comité de mission ou, le cas échant, le référent de mission présente un rapport négatif à l’assemblée annuelle chargée d’approuver les comptes, cela n’entraîne pas, pour autant, l’ouverture d’un contentieux visant à priver la société de faire état, publiquement, de sa qualité de « société à mission ».

A l’inverse, dès lors que le tiers indépendant estime, dans son rapport, que la société ne respecte pas un ou plusieurs des objectifs qu’elle s’est fixée, cela peut entraîner la formulation, par toute personne justifiant d’un intérêt, d’une demande visant à priver la société du droit de se prévaloir de la qualité de « société à mission ».

Personne « justifiant un intérêt »

La notion de « personne justifiant d’un intérêt » s’entend largement. Il peut s’agir d’un associé, d’un salarié, d’un concurrent de la société, etc.

Ainsi, toute personne justifiant d’un intérêt, ou le Ministère Public, peut saisir le président du Tribunal de commerce dans le ressort duquel est situé le siège social. Il statuera en référé aux fins d’enjoindre, le cas échéant, sous astreinte, au représentant légal de supprimer la mention de « société à mission » de tous les actes, documents ou supports électroniques émanant de la société. La société conserve toutefois « en interne » la qualité de société à mission, sauf si elle décide de procéder à une réécriture de ses statuts.

Possibilité de retrouver le droit de se prévaloir de la qualité de « société à mission »

Il sera possible pour la société de retrouver le droit de se prévaloir de la qualité de « société à mission » aux conditions cumulatives suivantes :

  • le comité ou le référent de mission et le tiers indépendant aient continué à exercer leurs tâches respectives ;
  • la société respecte les objectifs sociaux et environnementaux inscrits dans ses statuts ; et
  • le président du tribunal de commerce, saisi par la société, lève, en référé, l’interdiction qui lui avait été adressée de faire publiquement état de sa qualité de société à mission.

 

Les équipes juridiques de RSM peuvent vous accompagner dans la revue critique de la cohérence de votre raison d’être et de vos objectifs statutaires avec votre objet social ainsi que dans la modification de vos statuts et le suivi des formalités y afférentes.