Les Non-Fungible-Token (NFTs), traduits « mot à mot » en français par jetons non fongibles, sont des actifs numériques uniques, émis et échangeables sur la blockchain, qui font partie de la famille des « cryptoactifs ». Les NFTs s’attachent à des domaines variés : l’art, le sport, les tweets, la musique, les jeux … Et toute personne peut en faire l’acquisition sur « la toile ». Ils attirent ainsi un nombre croissant d’investisseurs attirés par la nouveauté et souhaitant diversifier leur patrimoine. Ces actifs étant hautement volatils en termes de valorisation, quel est le régime fiscal applicable aux plus-values que les NFTs peuvent procurer ? Quels sont les enjeux en termes d’investissement ?

 

Un régime fiscal strict

Le législateur s’est donc interrogé sur le régime fiscal applicable à ces certificats numériques, ce qui a engendré de nombreuses questions. Fiscalement, depuis 2019, les NFTs constituent des actifs numériques et les plus-values de cessions par des particuliers sont soumises au régime de l’article 150 VH Bis du code général des impôts : imposées à l’impôt sur le revenu au taux forfaitaire de 12.8 %, auxquels il faut ajouter les prélèvements sociaux à hauteur de 17.2 %, soit une imposition globale de 30 %.

Il n’est pas possible d’opter à l’imposition au barème progressif par comparaison aux autres actifs financiers. Par ailleurs, en deçà de 305 € de vente totale sur une année, la cession de NFT est exonérée. Et à ce jour, aucun abattement pour durée de détention n’est accordé. Le régime fiscal des NFTs est donc assimilé au régime fiscal des actifs financiers mais avec quelques restrictions.

Sous l’impulsion de Monsieur Pierre Person, député LREM, un amendement a été adopté dans le projet de loi de finance 2022 visant les jetons non fongibles : un nouvel article 150 VH ter a été inséré après l’article 150 VH Bis du CGI et propose une imposition différente de l’actif numérique. En l’espèce, la cession d’un NFT serait désormais imposée selon le régime fiscal applicable à son actif sous-jacent, qui peut être une œuvre d’art, une chanson, une carte à collectionner, un GIF. Adopté en commission, cet amendement a été retiré en séance publique. Cette ébauche de régime fiscal aurait permis de faire la distinction entre un actif numérique « classique » et un actif numérique non fongible représentant une nouvelle illustration d’un titre de propriété privée. Il est d’ailleurs intéressant d’analyser cet amendement comme le point de départ d’une définition légale d’un NFT. Cette initiative met néanmoins en lumière toute l’ambiguïté fiscale entre un actif numérique « classique » et un actif numérique non fongible.

 

Saviez-vous que, sur le podium des œuvres d’art d’artistes vivants les plus chères au monde, le NFT artistique « Everyday : the First 5.000 Days » de Beeple, vendu pour 69.3 millions de dollar le 11 mars 2021 à New York, se place aux côtés du « Rabbit » de Jeff Koons et du « Portrait of an artist » de David Hockney ?

 

Enjeux & risques de ces nouveaux actifs numériques

1/ Les enjeux liés à la blockchain 

La technologie indispensable : la blockchain ! De façon très imagée, elle peut être comparée à un notaire électronique. C’est un registre, public, qui permet de retracer et de sécuriser toutes les données relatives aux transactions successives d’un actif. Ainsi, la blockchain parvient à rendre infalsifiable, sécurisé, traçable et horodaté les actifs numériques.

Internet nous permet d’obtenir la donnée en abondance et gratuitement. Ici, le système introduit la notion de propriété privée digitale, et par conséquent la rareté numérique. Dès sa création, un NFT est protégé par la blockchain et ce sans limite de temps. Le seul risque serait la disparition de la blockchain, occurrence bien improbable. Cette protection est transparente puisque publique et bien évidemment sans frontière.  

 

2/ Faut-il investir dans un NFT artistique ?

Pourquoi investir dans un NFT artistique alors que l’image de cet actif est très souvent disponible sur Internet gratuitement ? Si l’on retient une approche analogique avec le monde « réel », c’est un peu la différence entre posséder une affiche des Nymphéas en fleur de Monet et posséder l’œuvre originale. Avec un NFT, le propriétaire peut afficher fièrement qu’il est le détenteur de la version authentique de l’œuvre numérique. Le collectionneur, qu’il soit digital ou non, recherche cette rareté et cette unicité.

D’autre part, une dimension spéculative peut être recherchée par l’investisseur. Les œuvres numériques s’échangent sur le marché secondaire, et grâce au procédé de la blockchain, les problématiques des faux et des copies ne se posent plus, ce qui tend à conforter favorablement la valeur de l’œuvre. Si l’œuvre Le Salvator Mundi de Léonard de Vinci était un NFT, la question de son créateur et de son authenticité ne se poserait pas aujourd’hui ! Il est ainsi possible pour l’artiste et ses ayants droit d’obtenir un vrai suivi de l’œuvre et, pourquoi pas, percevoir un pourcentage sur le prix de vente à chaque cession de l’œuvre. La blockchain permet cette transparence des cessions.

 

3/ NFT artistique et œuvre d’art

Les NFTs artistiques peuvent aussi résulter d’œuvre d’art tangible. Par exemple, une photographie unique d’un tableau de Michel Ange en haute définition a été transformée en NFT et acquise par une jeune italienne pour un prix dépassant les 150.000 €. Elle a expliqué avoir trente ans et regarder les œuvres d’art sur son téléphone et son ordinateur depuis toujours. Pour elle, ce qu’elle regarde sur les écrans a autant de valeur que ce qu’elle pourrait voir « dans la vraie vie ».

Découlent de ce nouveau marché artistique des problématiques nouvelles liées au NFT et notamment sur le droit qui entoure l’œuvre. Ainsi, une NFT artistique est-elle une œuvre originale ?

Dans la définition de l’œuvre d’art, deux parties la composent : la partie immatérielle qui sont les droits attachés aux œuvres, droits moraux et droits patrimoniaux, et la partie matérielle, tangible.

Lorsqu’un actif numérique est estampillé par la blockchain, qu’il soit une photo, une image ou un gif, il devient rare et unique, le NFT artistique répondrait ainsi aux critères de l’œuvre sous l’approche immatérielle. Concernant la partie matérielle : à moins de considérer que le support du NFT artistique soit l’œuvre (la clé USB, le serveur), nous pourrions aussi affirmer qu’il ne respecte pas le critère matériel et l’assimiler à un seul certificat d’authenticité. Autant de questions qui se posent sur ce nouveau marché et qui ne trouveront peut-être pas réponse de façon imminente. A ce stade, de nombreux vides juridiques demeurent.

Ainsi, choisir d’investir dans les NFTs n’est pas si simple ! Le régime fiscal strict traduit sûrement une difficulté du législateur à l’incorporer dans un régime existant, et sa définition est à ses prémices, autant du point de vue fiscal, juridique ou sous l’angle de la propriété intellectuelle.

 

Contact : Elodie Disson, Manager gestion patrimoniale / private client services