L’avis d’expert de Jean-Charles Boucher, associé RSM et membre du Collège de l’Autorité des normes comptables (ANC).

 

Créé il y a deux ans, le prêt garanti par l'Etat (PGE) constitue une aide à la trésorerie pour toutes les entreprises, quels que soient leur secteur et leur taille. Il peut représenter jusqu'à 25 % du chiffre d'affaires 2019. Dès le premier confinement, ce dispositif a constitué une bouffée d'air frais afin de maintenir leur activité et les emplois. Néanmoins, il faut désormais le rembourser ! Si 16 % des entreprises ont déjà totalement remboursé leur PGE en 2021 et 84 % ont commencé à l'amortir, plusieurs contraintes économiques font peser un risque accru sur une partie des 697.000 sociétés concernées !

Afin de rembourser leur PGE, les entreprises ont plusieurs options : un remboursement en totalité, un remboursement partiel ou un amortissement, voire une restructuration en cas de difficultés. Le remboursement en totalité intervient à la date anniversaire du prêt. Pour le remboursement partiel, l'entreprise rembourse une partie de la somme prêtée la première année, et décide d'amortir le reste sur un, deux, trois, quatre, voire cinq ans – pas au-delà de fin 2026 car la durée totale du PGE est limitée à six ans, durée maximale de la garantie donnée par l'Etat. L'amortissement consiste à étaler le remboursement sur plusieurs années, avec une possibilité de commencer le remboursement au plus tard le 30 septembre 2022 (au lieu du 31 mars 2022 auparavant). Aujourd'hui, 66 % des entreprises ont étalé sur quatre à cinq ans leur PGE jusqu'à fin 2026 !

Bercy a annoncé début 2022 la mise en place d'un dispositif destiné à celles qui ont des « difficultés avérées de trésorerie et de remboursement à venir de PGE ». Ces entreprises ont la possibilité de décaler de six mois le remboursement de la première échéance et d'étaler les paiements sur une période qui pourra aller jusqu'à dix ans. Ce dispositif s'adresse aujourd'hui aux 5 % d'entreprises, essentiellement des petites, dans les secteurs sous tension : l'hôtellerie-restauration, l'événementiel et les commerçants/artisans. Pourtant, face au choc engendré par la guerre en Ukraine, cette mesure pourrait concerner rapidement de nombreux secteurs – énergie, transport, agroalimentaire, industrie, etc. – de l'économie française !

Allonger la durée de remboursement de son PGE donne un sursis à l'entreprise, néanmoins cela a un prix ! Les sociétés qui choisissent de restructurer leur PGE auront davantage de difficultés à emprunter par la suite compte tenu des règles européennes. En effet, renégocier l'échéancier de remboursement d'un PGE prévu au contrat signifie restructurer le prêt. Chaque restructuration de crédit dans le cadre de la médiation du crédit pourrait entraîner pour la banque le classement du prêt en « prêt non performant » (défaut du débiteur !), si la restructuration entraîne une variation de plus de 1 % de la valeur actuelle des flux de remboursement avant et après restructuration. Cette déclaration de défaut implique dans la plupart des cas une décote de la cotation de l'entreprise par la Banque de France. Il serait alors plus difficile pour cette société d'obtenir de nouveaux concours ou le renouvellement de ses concours existants.

Ce déclassement ne sera pas connu des fournisseurs et des clients de l'entreprise, mais peut avoir des répercussions sur la cotation assurance-crédit et donc sur les relations que les entreprises entretiennent avec leurs clients et fournisseurs. Ces conséquences doivent être bien appréhendées par le chef d'entreprise avant de prendre sa décision de renégociation des plans de remboursement actuels des PGE. Ces inquiétudes ont d'ores et déjà été soulevées par plusieurs organisations professionnelles.

Depuis le 8 avril dernier, les entreprises peuvent avoir accès au « PGE Résilience », tranche complémentaire qui peut s'ajouter au plafond du PGE auquel elles sont éligibles depuis mars 2020. Accessible aux entreprises affectées par le conflit en Ukraine, cette nouvelle tranche vise à soutenir la trésorerie de celles qui ont par exemple perdu des contrats commerciaux ou sont confrontées à la hausse des prix de l'énergie. Elle peut couvrir jusqu'à 15 % du chiffre d'affaires annuel moyen des trois dernières années.

Pour autant, ce dispositif va-t-il concerner un grand nombre d'entreprises ? Bien qu'elles doivent certifier auprès de leur banque, sur une base déclarative, que leur trésorerie est pénalisée, de manière directe ou indirecte, « chaque demande sera examinée au cas par cas en fonction de la situation financière de l'entreprise et de son besoin de financement ». Aussi, les banques seront les décisionnaires en dernier ressort.

Alors qu'il était censé disparaître au 31 décembre 2021, le dispositif du PGE a été prolongé jusqu'au 30 juin 2022 dans le cadre du régime temporaire des aides d'Etat. Par ailleurs, la nouvelle tranche au titre du PGE Résilience est désormais accessible jusqu'au mois de juin et pourrait être prorogée par le gouvernement jusqu'au 31 décembre 2022 si la situation économique et les besoins de trésorerie des entreprises le justifient ! Ainsi, toutes les entreprises peuvent encore contracter ce type de prêt pour soutenir leur trésorerie mais également pour régler leurs dettes auprès de fournisseurs. La prudence reste de mise car attention à bien anticiper, dans ce contexte inédit, les capacités de remboursement à moyen terme, ainsi que les conséquences d'un étalement en cas de difficultés !

 

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A consulter également sur le site de L'AGEFI.