Mesure phare de la stratégie de finance durable du Green Deal Européen, la Taxonomie verte vise à établir un système de classification européenne des activités des entreprises dites « vertes ». L’objectif est d’orienter les capitaux vers des activités vertueuses d’un point vue environnemental, permettant ainsi la transition vers une économie plus durable. Cette classification fournit un vocabulaire unifié concernant les activités vertes, et assure l'accès à des informations précises, fiables et comparables (en fonction du secteur d'activité et de la taille de l'entreprise) qui sont publiées par les entreprises soumises à la CSRD (Corporate Sustainability Reporting Directive).

Pour en savoir plus sur les objectifs, les entreprises concernées et le calendrier de mise en œuvre, lisez notre article sur la promotion par l'Union Européenne des activités en faveur du climat.

Nous vous proposons ici de vous détailler les étapes à suivre pour analyser et mesurer la Taxonomie verte de vos activités. 

 

Étape 1 : Identifier les activités conformes à la Taxonomie verte

La première étape consiste à identifier les activités qui sont éligibles à la Taxonomie verte et celles qui ne le sont pas.

À cette fin, il est impératif pour l’entreprise de consulter le code NACE ou les descriptions détaillées des activités figurant dans les actes délégués associés à chaque objectif environnemental (1). Il est à noter que le code NACE peut ne pas être systématiquement approprié, et certaines activités relevant de la Taxonomie verte peuvent ne pas disposer d'un code NACE spécifique. D'où l'importance de se référer également aux descriptions précises des activités. Cette approche permet une évaluation minutieuse de chaque secteur d'activité et ligne de métier de l'entreprise, afin de vérifier leur conformité et leur éligibilité au cadre de la Taxonomie verte.

Il convient de souligner le caractère évolutif de la Taxonomie verte. En particulier, depuis janvier 2024, quatre nouveaux objectifs viennent compléter les objectifs d’atténuation et d’adaptation au changement climatique qui sont applicables depuis 2021. Il s’agit des objectifs d’utilisation durable et de protection des ressources aquatiques et maritimes, de transition vers une économie circulaire, de prévention et de contrôle de la pollution, ainsi que la protection et la restauration de la biodiversité et des écosystèmes. Par ailleurs, cette classification a été enrichie par l'intégration progressive de nouveaux secteurs. Par exemple, les actes délégués relatifs au climat ont été complétés par l'inclusion de secteurs tels que le gaz et le nucléaire, ainsi que l'aviation ou la gestion des risques des catastrophes par exemple. Il est essentiel pour une entreprise assujettie à la NFRD/CSRD de mettre en place un dispositif de veille réglementaire afin de suivre son niveau d’éligibilité et les exigences qui en découlent d'un exercice à l’autre.

 

Étape 2 : Évaluer la contribution environnementale des activités de l'entreprise

Après avoir identifié les activités éligibles, la seconde étape consiste à évaluer la contribution substantielle de ces activités aux objectifs de la Taxonomie verte. Autrement dit, il incombe à l’entreprise de déterminer si ses activités respectent les critères et les seuils établis par la Taxonomie verte (1).

Les activités contribuant de manière significative à l'objectif d'« atténuation du changement climatique » se classent en trois catégories : 

  • Activités à faible émission de carbone : englobe les opérations générant pas ou peu de gaz à effet de serre ;
  • Activités habilitantes : désigne les pratiques qui, indirectement, facilitent la réalisation des objectifs de durabilité pour d'autres secteurs ou activités.
  • Activités transitoires : Inclut les initiatives qui supportent la transformation des industries à haute empreinte carbone vers des alternatives bas-carbone.

En ce qui concerne les autres objectifs de la Taxonomie (1), une activité peut y contribuer soit directement ou en étant habilitante. 

 

Étape 3 : Assurer la conformité des activités au principe “Do Not cause Significant Harm” (DNSH)

La troisième étape implique de vérifier que les activités identifiées comme éligibles ne nuisent pas aux cinq autres objectifs énoncés dans la Taxonomie verte. Pour chaque activité mentionnée dans les actes délégués relatifs aux objectifs spécifiques (1), des critères doivent être respectés afin de s'aligner sur le principe « ne pas causer de préjudice significatif » (DNSH). Ces critères peuvent être de nature générique, tels que décrits dans les annexes des actes délégués, ou spécifiquement adaptés à l'activité concernée. De surcroît, une grande partie de ces critères fait référence à d'autres législations européennes, assurant ainsi une cohérence réglementaire et environnementale globale.

 

Étape 4 : Respecter les garanties minimales

L'étape suivante consiste à s'assurer que l'entreprise satisfait certaines garanties minimales, notamment en matière de droits sociaux et de droit du travail. Il est impératif que l'activité soit conforme aux Principes directeurs de l'OCDE à l'intention des entreprises multinationales, ainsi qu'aux Principes directeurs des Nations Unies sur les entreprises et les droits de l'homme, aux conventions de l'Organisation Internationale du Travail (OIT) et à la Charte internationale des droits de l'homme.

Pour les entreprises moins familiarisées avec ces standards internationaux, la plateforme sur la finance durable met à disposition une méthodologie spécifique (2). Cette dernière vise à confirmer l'alignement de l'entreprise avec les garanties minimales, en démontrant l'existence de politiques et processus robustes destinés à assurer le respect des droits humains et éviter les risques de corruption, de fraude fiscale, et de concurrence déloyale. Dans le cas où une entreprise se trouverait au cœur d'une controverse liée à ces aspects, elle est tenue de prouver qu'une action corrective a été effectuée et que des mesures préventives ont été mises en œuvre pour éviter toute récidive. 

 

Étape 5 : Calcul et divulgation des ratios clés de la Taxonomie verte

En cinquième et dernière étape, l'entreprise est tenue de calculer et de divulguer six indicateurs financiers, conformément aux spécifications de l'acte délégué de l'article 8 (3) du Règlement sur la taxonomie. Ces indicateurs comprennent :

  • Le Chiffre d’Affaires (CA) éligible et aligné : il représente la part du CA net issue de produits ou services (y compris des actifs incorporels) liés à des activités éligibles ou alignées sur la Taxonomie verte, en excluant certaines catégories de revenus comme le CA intra-groupe, le CA des coentreprises, et le CA des activités abandonnées, par rapport au CA net consolidé.
  • Le CAPEX éligible et aligné : il englobe les dépenses en capital (CapEx) liées :
    • Aux activités éligibles ou alignées sur la Taxonomie verte,
    • Aux investissements planifiés pour l'alignement d'activités éligibles non encore alignées, validés par les instances de gouvernance sur une période de 5 ans,
    • Aux achats individuels provenant d'une activité éligible ou alignée, ou à des mesures d'amélioration de l'efficacité énergétique spécifiées dans la Taxonomie verte.
      Ce ratio est calculé par rapport au total des acquisitions d'immobilisations corporelles et incorporelles.
  • L’OPEX éligible et aligné : il couvre les dépenses opérationnelles (OPEX) :
    • Associées aux activités éligibles ou alignées
    • Les OPEX intégrés à un plan de CAPEX pour l'alignement d'activités éligibles non encore alignées
    • Les OPEX individuels provenant d'une activité éligible ou alignée, ou à des mesures d'amélioration de l'efficacité énergétique spécifiées dans la Taxonomie verte.

Ce ratio est calculé par rapport au total des coûts directs non capitalisés qui couvrent : les frais de R&D non-inscrits à l’actif, les frais de rénovation de bâtiments, les contrats de location, les frais de maintenance, réparation et d'entretien nécessaires au fonctionnement des actifs.

Les entreprises peuvent être dispensées de calculer le ratio d'alignement des OPEX si le total des OPEX (dénominateur) est jugé non significatif pour leur modèle d'affaires.

Bien que ces calculs puissent paraître complexes, ils se basent largement sur les dispositions de la Directive comptable 2013/34/UE et les normes IFRS (ou GAAP nationales), déjà applicables aux entreprises. Ces ratios fournissent une mesure objective de la part verte et durable des activités et investissements d'une entreprise, démontrant son alignement avec les objectifs de durabilité et offrant une communication transparente sur son niveau de durabilité aux investisseurs, institutions financières et autres parties prenantes. Ils jouent également un rôle crucial dans la prévention du greenwashing, permettant de discerner les entreprises dont les prétentions en matière de RSE ne sont pas corroborées par des ratios significatifs ou par une amélioration de ceux-ci. La Taxonomie verte doit donc être vue comme un outil stratégique de pilotage de la RSE qui permet de renforcer la transparence et l'engagement de l'entreprise envers ses parties prenantes.
 

Nos recommandations pour optimiser votre démarche d’analyse

Nous souhaitons souligner l'importance des défis associés à l'implémentation d'un processus de reporting conforme à la Taxonomie verte, lesquels comprennent : 

  • La nécessité d'instaurer une collaboration étroite entre les équipes de la Responsabilité Sociétale des Entreprises (RSE), la direction financière, et la direction des opérations. Cette coordination multidisciplinaire est essentielle pour une approche cohérente et intégrée du reporting.
  • L’adaptation des Systèmes d'Information (SI) existants, ainsi que des outils et processus en place pour la collecte et l'analyse des données. L'efficacité et la précision de la remontée d'informations sont cruciales pour assurer un reporting fiable et conforme aux exigences de la Taxonomie verte.
  • L’évolution des systèmes comptables, pour permettre une présentation détaillée des revenus, des dépenses en capital (CapEx) et des dépenses opérationnelles (OpEx), segmentée selon les différentes activités économiques et objectifs environnementaux. Cette désagrégation est fondamentale pour refléter précisément l'alignement des activités de l'entreprise avec les critères de durabilité établis par la Taxonomie verte.

Enfin, en accord avec les recommandations de l'étude de l'AMF(4) sur le reporting selon la Taxonomie pour les sociétés cotées non financières, il est primordial pour les entreprises de ne pas omettre les informations contextuelles. Ces dernières doivent inclure une explication claire des jugements et des hypothèses adoptés lors des analyses d'éligibilité et d'alignement, ainsi que lors du calcul des ratios. Ceci est essentiel pour assurer une transparence totale et répondre aux exigences de reporting de la Taxonomie verte.


Pour plus d’informations et de conseils sur la taxonomie verte et sa mise en œuvre stratégique au sein de votre entreprise, n'hésitez pas à nous contacter. RSM peut vous accompagner dans cette démarche.