À retenir

La proposition de directive Omnibus vise à rendre plus claires les normes de reporting prévues au sein de l'UE au titre de la CSRD et de la Taxonomie verte

La CSRD ambitionnait de transformer les exigences de reporting extra-financier en un véritable outil au service de la transformation des entreprises et de la réorientation des flux financiers vers une économie plus durable

Nos experts décryptent pour vous les défis du secteur bancaire face à l’évolution du reporting extra-financier

Révision des calendriers, des seuils et des exigences de reporting extra-financier… la proposition de directive Omnibus, présentée en février 2025 par la Commission européenne, a été au cœur des débats et de l’actualité liée à la durabilité au cours des derniers mois.

Portant un objectif fort de « simplification », la directive Omnibus vise à rendre plus claires les normes de reporting prévues au sein de l’Union Européenne (UE) au titre de la Corporate Sustainability Reporting Directive (CSRD) et de la Taxonomie verte. 
Omnibus se décompose en deux directives:

  • « Stop the clock » reportant de deux ans l’entrée en application des exigences de la CSRD pour les entreprises n’ayant pas déjà commencé leur reporting ;
  • « Content » dont l’objectif est notamment de réduire de près de 80% le périmètre des entreprises soumises à la CSRD et de simplifier fortement les exigences de reporting prévues dans les normes ESRS.

La directive CSRD, entrée en vigueur en janvier 2024, se voit ainsi significativement modifiée par ce projet de directive Omnibus. Réglementation au cœur du Pacte Vert de l’UE, la CSRD ambitionnait de transformer les exigences de reporting extra-financier en un véritable outil au service de la transformation des entreprises et de la réorientation des flux financiers vers une économie plus durable. 

Nos experts décryptent pour vous les défis du secteur bancaire face à l’évolution du reporting extra-financier. Quels enjeux se dessinent derrière cette stratégie européenne ? Comment les banques peuvent-elles appréhender ce contexte de simplification réglementaire tout en gardant le cap de la durabilité ? Quels enseignements peut-on tirer des premières publications de Rapports de Durabilité sur l’exercice 2024 dans le secteur ?

CSRD et reporting extra-financier, un outil indispensable pour le secteur bancaire

La CSRD : une réelle opportunité grâce à un cadre structurant et standardisé

Conçue pour couvrir un large périmètre d’entreprises, la CSRD, dans sa mouture initiale, a vocation à renforcer la disponibilité et la fiabilité des données extra-financières, notamment via la mise en place d’un socle commun de normes de reporting (ESRS) ainsi que par l’obligation d’un audit de vérification par un tiers du rapport de durabilité. Avec près de 50 000 entreprises initialement soumises dans l’Union Européenne, cette règlementation permet ainsi aux banques d’avoir accès à une très large gamme de données ESG issues de pratiques de reporting uniformisées.

Pour le secteur bancaire, la CSRD se traduit comme une réelle opportunité : elle permet une meilleure intégration de l’information ESG dans les systèmes de gestion des risques. La norme offre :

  • La possibilité de renforcer les mécanismes d’évaluation, de mesure d’impact et d’anticipation des risques extra-financiers, afin de rendre les portefeuilles plus résilients et les offres bancaires plus adaptées ;
  • À l’institution bancaire les moyens de contribuer plus efficacement à la transition ;
  • Aux banques l’opportunité de se saisir de nouveaux leviers business liés au développement de produits et services en lien avec la finance durable (émissions de green bonds, offre de crédits indexés à des critères ESG, financements à impact, création de fonds d’investissements responsables…). 

Données ESG: un enjeu clé

À titre d’exemple, l’analyse faite par RSM France des premiers rapports de durabilité émis par le secteur bancaire français révèle que près de la moitié des institutions identifie des opportunités liées au développement de nouvelles offres bancaires visant à favoriser la transition environnementale et la lutte contre le changement climatique. 

En revanche, les groupes bancaires ayant publié leur rapport de durabilité pointent du doigt la nécessité d’avoir accès à une donnée ESG de qualité pour pouvoir se saisir de ces opportunités (eg. Le groupe Crédit Agricole S.A parle de « la non-accessibilité de la donnée ESG et la grande difficulté à collecter de la donnée ESG, notamment auprès de sa chaîne de valeur » dans la construction de sa stratégie de durabilité1). 

De surcroît, au-delà de la CSRD, la réglementation bancaire conduit de plus en plus vers une convergence des besoins et attentes en matière d’extra-financier. En particulier, l'évolution du cadre prudentiel européen, avec notamment l’entrée en application du paquet bancaire en 2025 et 2026 (CRR3/CRD6) renforce le rôle de l’extra-financier dans la stratégie des institutions financières.

Ces exigences conduisent notamment à intégrer les risques climatiques et environnementaux dans la gestion des risques bancaires, en réalisant notamment des exercices de « stress tests » et en élaborant des plans prudentiels de transition (CRD6). Ainsi, les banques peuvent bénéficier de synergies réglementaires entre leurs propres exigences en matière d’intégration des facteurs ESG dans leur gouvernance et le travail de collecte et de consolidation des données extra-financières réalisé dans le cadre de la CSRD. 

Omnibus, comment s'adapter au choc de simplification ?

Objectifs, calendrier et impacts 

La directive Omnibus, telle que proposée en février 2025 par la Commission européenne, a pour objectif principal de simplifier et d’aligner plusieurs volets de la régulation du Pacte vert (Green Deal) : la Taxonomie verte, la CSRD, la CS3D (directive sur le devoir de vigilance), le MACF/CBAM ainsi que d’autres règlements sectoriels.

En ce qui concerne le processus d’adoption d’Omnibus, la directive « Stop the clock » doit encore faire l’objet d’une approbation formelle par le Conseil européen, après que le Parlement européen a émis un vote favorable le 3 avril dernier. En droit français, le législateur a opéré une transposition par anticipation de ce report de calendrier de la CSRD, dans le cadre de la loi DDADUE (loi portant Diverses Dispositions d’Adaptation au Droit de l’Union Européenne) en avril 2024.

Quant à la directive « Content », l’EFRAG a été mandaté pour proposer un jeu de normes ESRS révisées d’ici octobre 2025 et ainsi permettre d’adopter ces simplifications, par actes délégués, en vue d’une application pour l’exercice 2027 (avec une option de l’anticiper à 2026 sur une base volontaire). Le mandat donné à l’EFRAG prévoit notamment une réduction du nombre de data points (DP), une priorisation des DP quantitatifs par rapport aux informations qualitatives et narratives et une clarification entre ce qui relève des obligations de reporting et des publications volontaires.
 


 Omnibus I - European Commission

 

Quelles implications pour le secteur bancaire ?

Omnibus engendrerait une réduction de la charge de reporting. L’objectif central de cette proposition de directive est de réduire le nombre d’informations obligatoires tout en clarifiant les attentes et faciliter la mise en place de la règlementation. 

Si ces simplifications sont finalement validées dans le cadre de la directive « Content », les institutions devraient bénéficier d’un allégement des exigences liées à la CSRD.

Tout d’abord, si la directive « Content » était adoptée et transposée en droit national, alors les banques de taille intermédiaire - dont les effectifs sont compris entre 500 et 1 000 salarié - ne seraient plus concernées par la CSRD. 
En effet, les seuils proposés dans Omnibus, pour cette tranche d’entreprises ne faisant plus référence au caractère d’Entité d’Intérêt Public (EIP), les institutions de crédit, ainsi que par exemple les compagnies et mutuelles d’assurance, de moins de 1000 salariés, ne seraient plus soumis à cette réglementation. 

Bien que cette mesure ne soit pas définitive et pourrait alléger la charge réglementaire de ces banques, , elle risque néanmoins de limiter la visibilité et la possibilité d’analyse et de valorisation de leurs performances ESG auprès de leurs clients, salariés ou investisseurs.

Aussi, les normes sectorielles qui devaient – initialement – compléter les normes ESRS thématiques communes à toutes les entreprises pourraient également être abandonnées avec Omnibus. En l’occurrence, pour le secteur bancaire, ces normes sectorielles auraient pu faciliter la mise en place de la CSRD en clarifiant certains points méthodologiques spécifiques au secteur. Notamment la définition de la chaîne de valeur, de l’identification des parties prenantes et du périmètre de reporting. Faute de normes spécifiques au secteur bancaire, chaque acteur devra traiter ces points selon sa propre approche. Cet abandon apparaît comme d’autant plus dommageable que la lecture des premiers rapports de durabilité des banques françaises témoigne d’une certaine hétérogénéité dans les ESRS activés par les institutions.

Pour accompagner la fin de l’obligation de reporting extra-financier pour certaines entités, la Commission européenne a proposé, en lien avec l’EFRAG, un standard volontaire baptisé VSME (« Voluntary Sustainability Reporting Standard for SMEs »). Ce dispositif vise à offrir aux PME non soumises à la directive CSRD un cadre de reporting allégé, mais suffisamment structuré pour répondre aux attentes des banques et des grands donneurs d’ordre en matière de due diligence et d’évaluation des risques ESG. 

Dans ce même objectif de protection des petites entreprises, la Commission prévoit également l’introduction d’un « value chain cap ». Ce mécanisme limiterait les informations que les grandes entreprises peuvent exiger de leurs partenaires non CSRD à celles prévues dans le cadre du reporting volontaire. L’idée est d’éviter que ces PME soient indirectement soumises aux mêmes obligations que les grands groupes. 
Toutefois, cette limitation pourrait réduire la comparabilité et la disponibilité des données ESG au sein des chaînes de valeur, et nécessiter un effort supplémentaire de la part des institutions financières pour accéder à ces informations.

Enfin, le paquet Omnibus relance le débat sur les distorsions de concurrence entre États membres. En effet, le fait que certaines juridictions puissent adopter plus rapidement ou plus largement les dérogations offertes, ou interpréter les dispositions de façon plus souple, constitue une menace pour le « level playing field » du secteur bancaire européen. 
Pour contrer cette disparité, il est fortement recommandé aux banques européennes de :

  • Continuer leurs travaux de préparation et de reporting ESG. Elles bénéficieront ainsi d’un avantage comparatif net en termes de transparence et de maturité de reporting et donc ;
  • Se préparer en amont aux différences de délais d’adoption du paquet Omnibus en droit national.

 

Comment les banques peuvent-elles se préparer?

Dans l’attente de la finalisation de l’Omnibus et de sa transposition en droit local, les banques doivent composer avec une incertitude juridique persistante. Il est impératif de maintenir une veille réglementaire active : équipes RSE et juridiques, conformité et affaires publiques doivent collaborer pour suivre l’évolution des négociations au Parlement européen et au Conseil, et pour ajuster en temps réel les stratégies de reporting et d’engagement.

L’EFRAG, mandaté par la Commission européenne pour la révision technique et la simplification des normes ESRS, a par ailleurs mis en place une consultation publique au printemps 2025 pour recevoir les retours des entreprises de la première vague ayant réalisé leur rapport de durabilité pour l’exercice 2024, sur la base d’un questionnaire en ligne. 
Les entreprises concernées étaient invitées à y répondre pour participer à la modification normative et faire entendre leur voix. Parallèlement, le lobbying auprès des co-législateurs peut aussi s’intensifier pour défendre des positions cohérentes, notamment sur le calibrage définitif des seuils, la modification des ESRS et la portée du VSME+.

Pour les banques initialement soumises mais susceptibles d’être exclues, une approche volontaire s’offre à elles. En capitalisant sur les travaux déjà réalisés – cartographies ESG, collecte de données, pilotage interne – elles peuvent poursuivre un reporting « CSRD-like » complet ou adopter le format allégé VSME+, afin de préserver la confiance des investisseurs et de maintenir la dynamique de transparence. Cette démarche volontariste peut ensuite se traduire par la publication de rapports annuels de durabilité alignés sur les meilleures pratiques internationales, valorisant ainsi l’engagement ESG même hors du cadre légal.

Il est également essentiel de renforcer l’engagement auprès des emprunteurs et clients pour fiabiliser l’accès aux données. Les banques peuvent ainsi généraliser le recours à des produits financiers durables – green bonds, sustainability‑linked loans, obligations sociales – assortis de clauses incitatives à la qualité et à la transparence des informations ESG fournies. En instituant ces exigences contractuelles, elles créent un cercle vertueux : les entreprises clientes améliorent leur reporting, fiabilisent leurs données ESG pour bénéficier de conditions financières préférentielles, et les banques sécurisent leurs processus de notation et de pilotage des risques non financiers.

Enfin, la simplification espérée par l’Omnibus constitue une opportunité de réallocation des ressources internes initialement mobilisées dans le cadre des projets CSRD. Les économies réalisables sur les coûts de conformité et sur les effectifs dédiés au reporting peuvent de cette façon être redéployées vers la réflexion stratégique sur la transition durable : développement de produits innovants alignés sur la Taxonomie européenne, investissements dans la décarbonation des portefeuilles, et renforcement des partenariats avec les grandes institutions de financement de projets verts… pour ainsi faire de la CSRD le véritable levier de transformation stratégique qui était attendu par la réglementation.

 

Pour le secteur bancaire, le paquet Omnibus se positionne à la croisée de deux impératifs : alléger la complexité du cadre CSRD pour soutenir la compétitivité des entreprises, tout en préservant la transparence et la comparabilité des données ESG au sein du secteur financier. 
S’il ouvre la voie à une simplification significative – notamment en relevant les seuils d’application et en supprimant les normes sectorielles – Omnibus génère également une incertitude juridique et un risque de concurrence inégale tant que la transposition ne sera pas harmonisée au niveau de l’UE.

Dans ce contexte, les banques doivent non seulement suivre de près les décisions européennes et nationales, mais aussi transformer cette période de transition en opportunité stratégique. En continuant, même sur une base volontaire, de produire un reporting ESG robuste, en consolidant l’accès aux données clients (notamment via le VSME+), et en réaffectant les ressources dégagées vers la stratégie de transition durable, elles feront de la modification de CSRD par Omnibus un véritable levier de création de valeur à long terme.

 

1Crédit Agricole S.A « Sustainability Report », 2024 Universal Registration Document, 2025

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