Imposition des parts sociales détenues dans une Société Civile Immobilière (SCI) – arrêt du Tribunal Fédéral du 13.12.2022 (2C_365/2021)

 

Sommaire

Dans une décision rendue le 13 décembre 2022, le Tribunal Fédéral a confirmé la décision controversée du Tribunal cantonal vaudois. Partant, la Suisse peut imposer, au titre de la fortune mobilière, les parts d’une société civile immobilière française malgré le fait que la société soit traitée en transparence en France et donc imposée comme de la fortune immobilière.

 

Faits 

Pour rappel, par arrêt du 1er avril 2021, le Tribunal cantonal du canton de Vaud avait rejeté le recours déposé contre la décision sur réclamation rendue par l'Administration cantonale des impôts du canton de Vaud. Le Tribunal avait statué que malgré le fait que la SCI soit transparente et que les parts détenues par la contribuable dans la SCI soient traitées comme des immeubles en droit français, la SCI devait être assimilée en droit suisse à une personne morale. Ainsi, le droit d'imposer les parts sociales détenues par la contribuable dans cette dernière revenait à la Suisse au titre de fortune mobilière.

 

L’arrêt rendu par le Tribunal Fédéral

Par jurisprudence, il est établi que la SCI de droit français est considérée comme une personne morale sous l'angle du droit suisse (arrêts 2C_729/2019 ; 4A_454/2016). Conformément, les parts sociales de la recourante dans la SCI constituent de la fortune mobilière selon le droit interne. Il n’est pas contesté que le droit suisse dispose d’une base légale permettant d’imposer la fortune mobilière de la contribuable.

Il est également établi que les parts détenues dans une SCI sont, en France, imposées en transparence et sont par conséquent soumises à l'impôt sur la fortune immobilière. Toutefois, l'impôt sur la fortune n'étant perçu en France que lorsque la valeur des biens soumis est supérieure à 1,3 millions d'euros, la recourante n'a pas payé d'impôt sur la fortune sur la valeur des immeubles détenus par la SCI en France, leur valeur étant inférieure au seuil d’imposition.

Comme les deux Etats concernés disposent d’un droit à imposer le bien selon leur droit interne, il convient d'examiner si ces droits d'imposition sont limités par une disposition de la Convention entre la Suisse et la France visant à restreindre ou éliminer les éventuelles doubles impositions.  

Selon ladite Convention, la Suisse n’exempte des éléments imposables en France qu’après justification de l’imposition de ces revenus ou éléments de fortune en France. L’impôt n'ayant pas été effectivement perçu en France, la Suisse n’est donc pas limitée par la Convention. L’imposition des parts que la recourante détient dans la SCI revient au canton de Vaud, qui peut imposer les parts de la SCI au titre de la fortune mobilière.

 

Conclusion et perspectives pratiques 

Cette décision est défavorable aux résidents suisses qui détiennent leurs immeubles en France via une SCI. En effet, il est probable que les pratiques des administrations cantonales s’alignent rapidement sur cette décision fédérale impliquant que les biens immobiliers détenus en SCI seront imposables en Suisse dans la fortune mobilière des contribuables contrairement aux biens immobiliers détenus directement par leur propriétaire, imposables au lieu de situation et exemptés en Suisse. Ceci règle donc le cas pour l’impôt sur la fortune.

Cette décision ne règle toutefois pas la question des rendements provenant des SCI « transparentes ». Du point de vue du droit français, il s’agit de revenus immobiliers imposables en France. Du point de vue du droit suisse, puisque le Tribunal fédéral considère qu’il s’agit de revenus d’une société de capitaux, les distributions effectuées par la SCI sont en principe soumises à l’impôt sur le revenu (dividende, avec imposition partielle cas échéant). Dans un cas Franco-Belge, il avait été établi que la Belgique n’était pas en droit d’imposer ces distributions. Sur la base de sa récente jurisprudence, il est plus qu’incertain que le Tribunal fédéral partage cette conclusion. Nous conseillons donc à toute personne se retrouvant dans une telle configuration patrimoniale de consulter immédiatement un expert afin de revoir la structure patrimoniale franco-suisse, permettant ainsi d’éviter de mauvaises surprises qui surgiront probablement déjà pour la période fiscale 2022. Il existe en effet diverses manières de contrer les effets néfastes de cette décision. Nous nous tenons volontiers à votre disposition pour en discuter.