Avec des structures de planification fiscale de plus en plus sophistiquées, les autorités de taxation peinent à protéger leur base d’imposition. En réponse à ce problème, l’Union européenne (UE) a introduit une nouvelle directive, la Directive 2018/822, instaurant de nouvelles obligations de transparence fiscale qui est entrée en vigueur le 1er juillet 2020. Connue sous le nom de « DAC 6 », la Directive oblige les intermédiaires et les contribuables à déclarer aux autorités de leur pays tout dispositif transfrontière susceptible d’être utilisé à des fins de planification fiscale agressive. Les données collectées seront ensuite automatiquement communiquées aux autorités compétentes des autres États.

Bien qu’instaurée dans la zone UE, la nouvelle Directive peut avoir des répercussions sur les entreprises ainsi que les particuliers domiciliés en Suisse. En effet, l’obligation de déclaration incombera à tout acteur ayant participé à la mise en place de dispositifs transfrontières à caractère potentiellement agressif. Tel pourrait être le cas pour un avocat ou un mandataire fournissant des services de conseil.  La présente Newsletter a ainsi pour vocation de présenter les exigences énoncées par la DAC 6 afin de permettre aux lecteurs d’identifier les opérations pouvant entrer dans le champ d’application de la Directive et des obligations qui leurs incombent.

Avant tout chose, il convient de préciser que la DAC 6 constitue une ligne directrice fixant des objectifs à atteindre par les États membres. La Directive sera ainsi transposée dans les législations internes des États, ce qui peut se traduire par de légère différence entre les législations. Cette éventualité sera ignorée dans la suite de cette Newsletter.

 

Dispositifs devant faire l’objet d’une déclaration

Dans le cadre de la DAC 6, les dispositifs transfrontières comportant un caractère potentiellement agressif sur le plan fiscal doivent être déclarés. Un dispositif est dit « transfrontière » lorsqu’au moins deux États différents sont impliqués dans le dispositif et que l’un deux (au moins) est membre de l’UE. Tel sera notamment le cas lorsque tous les participants ne sont pas résidents du même État ou lorsqu’un (ou plusieurs) participant exerce une activité par l’intermédiaire d’un établissement stable dans un autre État. Pour cette dernière situation, le dispositif doit néanmoins constituer une partie (voire l’intégralité) de l’activité de cet établissement stable.

Bien qu’un dispositif puisse être transfrontière, seuls les dispositifs à caractère potentiellement agressif feront l’objet d’une déclaration. Pour ce faire, le dispositif doit comporter au moins l’une des caractéristiques fixées par la Directive (appelées « marqueurs ») estimées comme révélatrices du potentiel risque d’évasion fiscale. A cet effet, il convient de distinguer deux catégories de marqueurs : les marqueurs qui, lorsqu’ils sont remplis, déclenchent inévitablement l’obligation de déclaration ainsi que les marqueurs pour lesquels l’obligation de déclaration sera déclenchée dans la mesure où le principal avantage recherché (ou l’un des principaux avantages) d’un tel dispositif réside dans l’obtention d’un avantage fiscal. A cet égard, il convient de préciser que la DAC 6 concerne les impôts directs, soit l’impôt sur le revenu, le bénéfice, la fortune et le capital ainsi que l’impôt sur les donations et sur les successions ! Certaines législations internes ont néanmoins étendu le champ d’application de la DAC 6 en y incorporant les impôts indirects comme la taxe sur la valeur ajoutée (TVA).

Ayant une large couverture, les marqueurs peuvent soumettre un panel important de dispositifs à l’obligation de déclaration et peuvent viser des opérations courantes comme  le démontrent les exemples suivants : l’attribution d’un prêt envers une filiale disposant d’un régime fiscal préférentiel, les opérations susceptibles de contrevenir à l’identification du bénéficiaire effectif, le transfert d’actifs difficiles à évaluer, le transfert de fonction ou de risque ayant un impact important sur l’EBIT du cédant, la conversion de revenu en d’autres recettes imposées à un taux inférieur ou encore la conversion de revenu en capital ou en dons. Le lecteur doit garder en mémoire que, puisque chaque législation lui est propre, le panel de dispositifs devant faire l’obligation d’une déclaration variera d’un État à l’autre.

 

Obligation de déclarer

La DAC 6 visant spécifiquement les opérations mises en place avec l’assistance de mandataires, l’obligation de déclaration leur incombent en premier lieu, par leur qualité d’ « intermédiaire ». Selon la DAC 6, ce terme inclut toute personne (physique ou morale) qui conçoit, commercialise ou organise un dispositif devant faire l’objet d’une déclaration, qui le met à disposition aux fins de sa mise en œuvre ou en gère la mise en œuvre. Ceci inclut notamment les comptables, avocats, conseillers fiscaux ainsi que les institutions bancaires ayant accompagnés un client sur la conception ou la mise en œuvre d’un dispositif transfrontière.

Pour qu’une personne (physique ou morale) soit considérée comme intermédiaire d’un point de vue de la Directive, elle doit toutefois avoir une relation avec l’UE. Ceci peut se traduire par le fait d’être résident fiscal d’un État, d’y posséder un établissement stable, d’y être enregistré auprès d’une association professionnelle en rapport avec des services juridiques, fiscaux ou de conseil, d’y avoir été constitué (pour une société) ou encore d’être régi par le droit d’un État de l’UE. Si aucune de ces relations ne peut être établie avec l’UE, la personne ne sera pas considérée comme intermédiaire et aucune obligation de déclaration incombera à cette dernière. En principe, les contribuables des États tiers (comme la Suisse) ne sont pas considérés comme intermédiaires. Cela serait néanmoins possible dans la mesure où le contribuable prodigue une prestation de conseil par l’intermédiaire d’un établissement stable sis dans un pays membre de l’UE.

A cet effet il convient de préciser que RSM Switzerland n’est pas un intermédiaire selon la DAC 6 et n’est ainsi soumis à aucune obligation de déclaration.

En l’absence d’intermédiaire, l’obligation de déclaration incombera au contribuable lui-même. Tel sera notamment le cas lorsqu’un dispositif est mis en place par un groupe (sans recourir aux services d’un mandataire externe), lorsque l’intermédiaire exerce une activité couverte par le secret professionnel ou encore, lorsque l’intermédiaire n’a aucune relation avec l’UE. Ceci signifie que lorsqu’un contribuable mandate RSM Switzerland concernant un dispositif devant faire l’objet d’une déclaration, l’obligation de déclaration incombera à ce contribuable, à moins qu’un second intermédiaire ait été impliqué dans la mise en place du dispositif. Dans cette éventualité, l’obligation de déclaration incombera à ce second intermédiaire.

En cas de pluralité d’intermédiaires (ou de contribuables), l’obligation de déclaration incombe à tous les intermédiaires (ou contribuables). Ces derniers ne peuvent être dispensés de leur obligation de déclaration que dans la mesure où ils peuvent prouver que la déclaration a déjà été transmise par un autre intermédiaire (ou contribuable).

L’obligation de déclaration consistant à déclarer un nombre important d’informations, l’intermédiaire (ou le contribuable) se doit ainsi d’être préparé à y faire face en recueillant les informations au préalable. Les informations requises se composeront notamment de l’identification des intermédiaires et des contribuables concernés, d’informations détaillées sur le ou les marqueurs selon lequel le dispositif peut être reconnu comme potentiellement agressif, un résumé du contenu du dispositif, etc.

Le processus de déclaration étant implémenté dans la législation interne de chaque Etat membre, cette Newsletter ne s’attardera pas sur le processus de déclaration en lui-même. Il semblerait néanmoins que les Etats membres mettent en place des formulaires informatisés que les intermédiaires ou les contribuables concernés (ci-après : les acteurs) devront remplir. Dans l’éventualité où un acteur a une obligation de déclaration auprès de plusieurs Etats, les informations ne devront être transmises qu’à un Etat. L’Etat occupant la première place dans la liste suivante sera celui auprès duquel l’acteur devra remplir ses obligations de déclaration : l’Etat dans lequel l’acteur est résident fiscal ; l’Etat dans lequel l’acteur possède un établissement stable ; l’Etat dans lequel l’acteur a été constitué ou par le droit duquel il est régi ; ou l’Etat dans lequel l’acteur est enregistré auprès d’une association professionnelle en rapport avec des services juridiques, fiscaux ou de conseil. L’acteur devra par la suite prouver aux autres Etats que la déclaration a déjà été faite auprès d’un Etat.

 

Effet rétroactif de la DAC 6 et délai de déclaration

Bien que la Directive entre en vigueur le 1er juillet 2020, l’obligation de déclaration couvre tout dispositif dont la mise en œuvre est intervenue depuis le 25 juin 2018. Les informations relatives à ces dispositifs devront être transmises aux autorités concernées au plus tard le 31 août 2020. Néanmoins, en raison de la crise sanitaire, la Commission Européenne autorise les Etats membres à reporter l’entrée en vigueur des obligations déclaratives. Les dispositifs dont la première étape est intervenue entre le 25 juin 2018 et le 30 juin 2020 peuvent ainsi être déclarés (au plus tard) jusqu’au 28 février 2021. Cette extension de délai étant facultative pour les Etats membres, il appartient aux intermédiaires ainsi qu’aux contribuables de veiller à la législation interne des Etats afin de connaître la date de mise en œuvre effective de la Directive.

Pour les dispositifs intervenus après le 1er juillet 2020, l’obligation de déclaration commence à courir par la réalisation de l’un des évènements suivants : un dispositif est mis à disposition aux fins de sa mise en œuvre, un dispositif est prêt à être mis en œuvre ou lorsque la première étape de la mise en oeuvre du dispositif est accomplie. La date intervenant le plus tôt étant retenue et la déclaration devra intervenir dans un délai de 30 jours à compter de la survenance de cet évènement. L’obligation de déclaration peut ainsi être déclenchée par la simple rédaction d’un mémorandum ou par le dépôt d’une demande de ruling !

En raison de la pandémie, la Commission Européenne a également autorisé les Etats membres à reporter le délai de déclaration pour les dispositifs mis en œuvre entre le 1er juillet 2020 et le 31 décembre 2020. Le délai de 30 jours mentionné dans le paragraphe précédent ne commence ainsi à courir qu’à compter du 1er janvier 2021. La déclaration peut ainsi intervenir (au plus tard) le 31 janvier 2021. Comme mentionné précédemment, cette extension de délai est facultative. Il appartient ainsi aux acteurs concernés de s’informer de la législation interne des Etats.

 

Sanctions

Le régime de sanction applicable en cas de non-respect des obligations de déclaration est défini par la législation interne des États. Les sanctions peuvent ainsi être de quelques milliers de francs à plusieurs centaines de milliers de francs, voire plusieurs millions dans les cas les plus graves. Outre l’aspect financier de ces sanctions, il ne faut pas négliger l’impact que le non-respect des obligations peut entraîner sur la réputation d’un intermédiaire ou du contribuable lui-même.

 

RSM à votre service

Nous nous tenons à votre entière disposition pour vous accompagner à travers ces nouvelles obligations de transparence fiscale en vous proposant les services suivants :

  • Détermination des dispositifs devant faire l’objet d’une déclaration au regard des différents marqueurs ;
  • Identification des personnes soumises à l’obligation de déclaration ;
  • Coordination avec les bureaux RSM sis dans les pays membre de l’UE.