Par Pauline Nicod, Senior Consultant, Global Employer Services, Benjamin Chessex, Manager et Burim Asani, Consultant, Corporate Tax & Private Client Services

Le 27 avril 2021, le Parlement européen a clairement approuvé l’Accord de commerce et de coopération entre le Royaume-Uni et l’Union européenne. L’accord est donc entré en vigueur 1er mai 2021 après quatre mois d’application temporaire.

 

 

Situations transfrontalières ayant débuté préalablement au 1er janvier 2021

L’accord de sortie entre le Royaume-Uni et l’Union européenne couvre les droits acquis avant le 31 décembre 2020 par les citoyens membres des États concernés.

La Suisse n’étant pas concernée par cet accord européen, les droits acquis en Suisse par des ressortissants du Royaume-Uni - et inversement - sont protégés par l’Accord entre la Confédération suisse, le Royaume-Uni de Grande-Bretagne et l’Irlande du Nord, relatif aux droits des citoyens. Cet Accord fait suite au retrait du Royaume-Uni de l’Union européenne et de la fin de l’applicabilité de l’accord sur la libre circulation des personnes. Celui-ci garantit le maintien des droits acquis en vertu de l’Accord sur la libre circulation des personnes (ALCP) (annexes inclues).

Conformément à l’Annexe II de l’ALCP, les détachements couverts par un certificat A1 restent valables tant que les modalités de travail demeurent inchangées. Il est donc important de considérer et de planifier l’impact que pourrait avoir un changement desdites modalités de travail sur la validité du certificat A1.

Les ressortissants du Royaume-Uni peuvent se prévaloir du cet accord de protection seulement s’ils ont été admis en Suisse sous le régime de l’ALCP, ce qui n’est pas le cas des titulaires d’une carte de légitimation délivrée par le Département fédéral des affaires étrangères (DFAE) ou d’un permis C.

 

 

Immigration entre le Royaume-Uni et la Suisse

Loi fédérale sur les étrangers et l’intégration (LEI)

L’ALCP, préalablement applicables aux relations entre la Suisse et le Royaume-Uni, a cessé de s’appliquer au 31 décembre 2020. De ce fait, l'accès au marché du travail est, depuis le 1er janvier 2021, régi par la législation nationale.

En Suisse, l'accès au marché du travail pour les ressortissants d’États hors UE/AELE est régi par la loi fédérale sur les étrangers et l'intégration (LEI). Le Conseil fédéral a introduit un quota distinct pour 2021, permettant à 3’500 ressortissants britanniques de travailler en Suisse.

 

Accord temporaire entre la Suisse et le Royaume-Uni sur la mobilité des prestataires de services

En vertu de cet accord, les entreprises basées au Royaume-Uni détachant des travailleurs en Suisse, ainsi que les indépendants basés au Royaume-Uni ayant la nationalité britannique, doivent utiliser la procédure d’annonce en ligne pour des séjours allant jusqu’à 90 jours par année civile et ne sont en conséquence pas soumis à un examen préalable du marché du travail. Il n’est pas nécessaire que la période de 90 jours de travail soit effectuée en continue. Elle peut être réalisée par périodes successives avec des interruptions de plusieurs semaines ou de plusieurs mois entre chaque période.

En revanche, pour les détachements de plus longue durée, les dispositions dérogatoires de l’Accord ne s’appliquent pas. Les ressortissants britanniques sont soumis aux conditions d’admission de la Loi fédérale sur les étrangers et l’intégration (LEI), comme pour les autres ressortissants des états-tiers (non-UE). Ils doivent demander une autorisation de séjour et de travail à l’Office cantonal de la population et des migrations (OCPM) avant l’épuisement des 90 jours de la procédure d’annonce. Cette période de 90 jours passée, ils ne sont plus autorisés à travailler avant la délivrance de l’autorisation.

Inversement, il permet aux prestataires de services suisses de bénéficier de conditions d’admission simplifiées au Royaume-Uni.

L’accord est appliqué temporairement depuis le 1er janvier 2021 et sera soumis au Parlement suisse d’ici l’été 2021. Il est pour le moment limité à deux ans et renouvelable par les parties.

 

Demande de permis de séjour (résidence) par des ressortissants britanniques dès le 1er janvier 2021

Séjour avec activité lucrative 

Le Royaume-Uni étant considéré comme un Etat tiers, les ressortissants britanniques qui, dès le 1er janvier 2021, entrent pour la première fois en Suisse en vue d’y travailler sont soumis aux conditions d’admission prévues par la LEI. Ne bénéficiant ainsi plus de l’accès facilité au marché du travail suisse due à l’accord sur la libre circulation des personnes en provenance de l’UE/AELE, les critères d’admission selon la LEI doivent être remplis. Ces critères prévoient notamment que les ressortissants britanniques doivent principalement servir les intérêts économiques de la Suisse en répondant aux besoins du pays de par les connaissances ou capacités professionnelles du travailleur (employé qualifié), le respect des limites fixées par le Conseil Fédérale des quotas d’autorisations octroyées aux ressortissants extracommunautaires (3'500 pour 2021 à titre indicatif), ainsi que l’ordre de priorité des travailleurs présents sur le marché du travail en Suisse ou sur le marché de l’emploi de l’UE/AELE.

Avant l’entrée en Suisse du ressortissant, une demande d’autorisation de travail doit être déposée par l’employeur auprès de l’autorité cantonale compétente en matière de migration ou de marché du travail (du lieu de travail envisagé). Une demande de visa devra être déposée par le travailleur à l’autorité compétente du lieu de résidence du ressortissant. En cas d’approbation du respect des critères d’admission de la LEI, une autorisation de délivrer le visa est rendue par l’autorité compétente cantonale à la représentation suisse au Royaume-Uni. Une fois le ressortissant britannique en possession du permis de travail, il pourra se rendre en Suisse pour y travailler. Cette personne devra par la suite annoncer son arrivée aux autorités compétentes du lieu de séjour en respectant un certain délai (généralement 14 jours dès l’arrivée en Suisse). Un ressortissant qui entend exercer une activité lucrative en Suisse doit ainsi être en possession d’une autorisation quelle que soit la durée de son séjour.

Séjour sans activité lucrative 

Pour un séjour long supérieur à 90 jours (par exemple à des fins de regroupement familial ou rentier), il est nécessaire pour ces ressortissants d’être titulaire d’une autorisation et de préalablement avoir déposer une demande d’entrée (Visa D). Cette demande doit être formulée au minimum deux à trois mois avant la date prévue d’entrée en Suisse. Celle-ci doit être soumise à l’autorité compétente du lieu de résidence du ressortissant, comme par exemple l’autorité diplomatique suisse au Royaume-Uni.

 

De plus, le ressortissant doit disposer de :

  • Ressources suffisantes pour assurer son indépendance financière, sans devoir recourir à l’aide sociale en Suisse,
  • Un attachement personnel particulier avec la Suisse, comme des parents proches qui habitent en Suisse.

 

Une fois la demande d’entrée validée, le ressortissant pourra se rendre en Suisse. Cette personne devra par la suite annoncer son arrivée aux autorités compétentes du lieu de séjour en respectant un certain délai. Ce dernier est généralement de 14 jours dès l’arrivée dans le pays.  

 

 

Coordination de sécurité sociale entre le Royaume-Uni et les États membres de l’Union européenne (non applicable à l’Islande, la Norvège, la Suisse et le Lichtenstein)

Travailleurs détachés dès le 1er janvier 2021

L’Accord de commerce et de coopération entre le Royaume-Uni et l’Union européenne détermine la législation applicable aux travailleurs détachés, pour une période allant jusqu’à 24 mois, de manière similaire aux règlementations européennes.

Les États membres de l’Union européenne ont dû décider s’ils optaient ou non pour l’application de ces règles. Les pays ayant optés seront indiqués dans l’annexe SSC-8 dudit accord.

Les travailleurs britanniques détachés par leur employeur pour travailler dans un État qui a opté pour ces règles restent affiliés à la sécurité sociale du Royaume-Uni.

À l’inverse, les travailleurs membres d’un État européen qui a opté pour l’application de ces règles et qui sont détachés temporairement au Royaume-Uni restent affiliés à la sécurité sociale de leur pays d’envoi.

 

Travailleurs exerçant une activité professionnelle dans deux ou plusieurs États

Les règles relatives aux travailleurs exerçant leur activité dans deux ou plusieurs États sont également similaires aux réglementations européennes. Une analyse de la « part substantielle de l’activité » doit donc être effectuée.

Cependant, contrairement aux règles couvrant les travailleurs détachés, ces règles ne sont pas optionnelles pour les États concernés par l’accord.

 

Coordination de sécurité sociale entre le Royaume-Uni et la Suisse

Les règlements (CE) n°883/2004 et (CE) n°987/2009 sur la coordination des systèmes de sécurité sociale ne sont plus applicables aux relations entre la Suisse et le Royaume-Uni depuis le 1er janvier 2021.

De nouvelles règles de coordination devraient être définies d’ici octobre 2021 par le biais d’une nouvelle convention bilatérale. Cette dernière devrait reprendre certains grands principes découlant des règles communautaires. Certains éléments resteront probablement différenciés, notamment concernant les prestations sociales.

Dans l’intervalle, l’ancienne Convention bilatérale entre la Suisse et le Royaume-Uni de 1968 retrouve transitoirement application depuis le 1er janvier 2021.

 

Travailleurs détachés dès le 1er janvier 2021

L’alinéa 3 de l’article 5 de la Convention bilatérale permet des détachements en matière de sécurité sociale, allant jusqu’à 24 mois, pour les travailleurs salariés dont les missions débutent après le 31 décembre 2020.

 

Travailleurs exerçant une activité professionnelle dans deux ou plusieurs États

L’alinéa 1 de l’article 5 de la Convention bilatérale établit que les cotisations sont dues sur les revenus perçus dans chaque État selon la législation en vigueur dans l’État où est réalisé l’activité. 

En pratique, les entreprises tendent à éviter cette situation, notamment par le biais d’un détachement.

 

 

Acquisition d'immeubles par des ressortissant britanniques vivant en Suisse (LFAIE)

En Suisse, l’acquisition d’immeubles par des personnes à l’étranger est limitée par la loi fédérale sur l’acquisition d’immeubles par des personnes à l’étranger (LFAIE). Le régime de l’autorisation constitue une mesure fédérale prévue par la LFAIE qui vise à limiter l’acquisition de biens immobiliers par des ressortissants étrangers.

 

Ressortissants britanniques ayant pris domicile en Suisse avant le 1er janvier 2021

Les ressortissants britanniques ayant acquis leur domicile légal avant cette date ne sont pas considérés comme des ressortissants d’Etat tiers et ne sont donc pas soumis à la LFAIE. De ce fait, ces ressortissants possèderont les mêmes droits que les Suisses en matière d’acquisition d’immeuble et pourront ainsi acheter des biens immobiliers sans être soumis au régime de l’autorisation en 2021.

 

Ressortissants britanniques ayant pris domicile en Suisse après le 1er janvier 2021

Dès le 1er janvier 2021, le Royaume-Uni est considéré comme un Etat tiers. Un ressortissant d’un Etats tiers (hors UE/AELE) n’est pas soumis au régime de l’autorisation pour l’acquisition d’un logement principal si le ressortissant en question :

  1. Détient un permis de séjour valide - généralement un permis B.
  2. Vit dans cette propriété et y est domicilié.

Ainsi, les ressortissants britanniques ayant acquis leur domicile légal à partir du 1er janvier 2021, qui ne remplissent pas les conditions ci-dessus, soit car ils ne sont pas titulaires d’un permis de séjour valide, soit car ils n’ont pas l’intention d’être domiciliés dans la propriété en question (résidence secondaire), seront soumis à la LFAIE. De ce fait, ils seront ainsi systématiquement soumis à une autorisation spécifique des autorités cantonales compétentes, en cas d’achat d’une résidence secondaire notamment.

N’hésitez pas à nous contacter pour toute précision sur ce sujet !