Pour donner suite à des années de discussions et de travaux préparatoires, le Parlement suisse a adopté le 18 juin 2020 la révision du droit de la société anonyme (voir aussi : FF 2017 353 et FF 2020 5409). Très attendue, cette révision a pour but de moderniser le droit de la société anonyme.

Notamment en garantissant plus de flexibilité aux entreprises, harmonisant certains aspects du nouveau droit comptable, renforçant les droits des actionnaires, les obligations du Conseil d’Administration en matière de suivi de la situation financière afin de prévenir l’endettement et l’insolvabilité ainsi que la transparence dans l’organisation des entreprises.

La date d’entrée en vigueur des nouvelles dispositions abordées ci-dessous est désormais définitive au 1er  janvier 2023 (exception faite pour les dispositions en lien avec la représentation des sexes et transparence des entreprises de matières premières qui sont déjà en vigueur, avec une période transitoire pour certaines). À noter que nous apporterons une attention (toute) particulière sur les sociétés non-cotées en bourse.

A. Organisation de l’Assemblée Générale :

  • L’Assemblée Générale pourra se tenir simultanément dans plusieurs lieux :

Il suffira pour cela que les interventions soient retransmises en direct par des moyens audiovisuels dans tous les sites de réunion.

  • L’Assemblée Générale pourra se tenir à l’étranger :

Néanmoins les statuts doivent le prévoir. Le Conseil d’Administration devra désigner un représentant indépendant dans la convocation sauf pour les sociétés dont les actions ne sont pas cotées en bourse, pour autant que tous les actionnaires y consentent.

  • L’Assemblée Générale pourra se tenir virtuellement :

Pour se faire, les statuts devront prévoir la possibilité de tenir une Assemblée Générale virtuelle. Le Conseil d’Administration désignera un représentant indépendant dans la convocation sauf pour les sociétés dont les actions ne sont pas cotées en bourse pour autant que tous les actionnaires y consentent. Il incombera au Conseil d’Administration de veiller à ce que les participants soient correctement identifiés, que les interventions puissent être retransmises en direct, que toute personne concernée puisse participer aux débats, faire des propositions et que le résultat des votes ne puisse être faussé. En cas de problème technique, une nouvelle assemblée doit être convoquée, mais les décisions prises avant cette assemblée restent valables.

  • Possibilité de substitution de l’Assemblée par des décisions prises par voie circulaire :

À condition qu’aucun actionnaire n’ait requis de discussion à ce sujet. Cette possibilité existe uniquement pour les Sociétés à responsabilité limitée (SARL) à ce jour.

  • Possibilité de mettre en place une solution hybride pour réaliser l’Assemblée Générale :

Selon les différentes options énumérées ci-dessus (par exemple, lorsque les actionnaires ne peuvent pas être présents physiquement, ils ont la possibilité de participer grâce à des moyens digitaux).

 

B. Droits des actionnaires :

  • Les actionnaires pourront demander des renseignements au Conseil d’Administration :

Des actionnaires représentant ensemble au moins 10% du capital-actions ou des voix peuvent, en dehors de l'Assemblée Générale, demander par écrit au Conseil d’Administration des informations sur les affaires de la société anonyme suisse, dans la mesure où cela est nécessaire à l'exercice des droits des actionnaires et ne met pas en danger le secret des affaires ou d'autres intérêts sociaux dignes de protection. Le Conseil d’Administration doit répondre dans un délai de quatre mois. Ladite réponse devra être présentée lors de la prochaine Assemblée Générale.

  • Après avoir exercé leur droit au renseignement, les actionnaires pourront ensuite proposer à l’Assemblée Générale l’institution d’un examen spécial :

En cas d’accord, les actionnaires ou la société devront requérir la désignation d’un expert auprès du tribunal. En l’absence d’accord, les actionnaires représentant 10 % du capital-actions ou des voix devront requérir auprès d’un tribunal l’établissement d’un examen spécial, dans un délai de trois mois.

  • Les actionnaires auront le droit de réclamer l’inscription d’un objet à l’ordre du jour ou de propositions concernant un objet :

Suite à la réforme, un seuil de 5 % du capital social ou des voix s'applique aux sociétés dont les actions ne sont pas cotées en bourse. Les actionnaires peuvent motiver brièvement leur demande, auquel cas la motivation doit être à nouveau inscrite à l'ordre du jour.

 

C. Initiative Minder sur la rémunération et Quotas d’égalité des sexes

  • L’Assemblée Générale sera responsable d’élire un comité de rémunération chargé d’établir un rapport sur la rémunération des membres du Conseil d’Administration et de la Direction. Les sociétés cotées seront soumises à cette exigence et les sociétés non-cotées pourront volontairement s’y soumettre. L’Assemblée Générale votera sur les rémunérations versées au Conseil d’Administration et à la Direction.
  • À noter que les quotas de représentation au Conseil d’Administration et à la Direction ne seront valables que pour les sociétés cotées.

 

D. Structure du capital

  • La valeur nominale minimale des actions de 1 centime est supprimée :

La valeur nominale devra uniquement être supérieure à zéro.

  • La réforme rendra possible la création d’une marge de fluctuation du capital :

Avec l’accord de l’Assemblée Générale, le Conseil d’Administration pourra augmenter ou réduire le capital-actions dans une certaine limite pendant 5 ans. La limite inférieure sera la moitié du capital-actions inscrit au registre du commerce (mais pas moins de CHF 100'000) et la limite supérieure sera une fois et demie le capital-actions inscrit au registre du commerce. Chaque fluctuation du capital doit être suivie d'une modification des statuts (par acte authentique). Cette marge de fluctuation vient en remplacement de l’augmentation de capital autorisée puisqu’elle remplit les mêmes fonctions.

À souligner que des comptes intermédiaires devront être établis notamment si :

  • Réduction du capital si la date de clôture du bilan est antérieure de plus de six mois au jour de la décision de l’Assemblée Générale de réduire le capital-actions ;
  • Augmentation du capital-actions au moyen de fonds propres dont la société peut disposer librement : lorsque la date de clôture du bilan est antérieure de plus de 6 mois au jour de la décision de l’Assemblée Générale d’augmenter le capital-actions.

D’un point de vue fiscal, tant l’impôt anticipé que le droit de timbre d’émission, vont adopter l’approche dite de la « valeur nette ». C’est-à-dire que la créance fiscale, si existante, sera analysée à l’échéance de la marge de fluctuation du capital.

  • Il sera possible de libeller le capital-actions dans une monnaie étrangère :

Une liste des devises autorisées sera publiée par le Conseil fédéral mais la monnaie étrangère choisie devra être la monnaie la plus importante au regard des activités de l’entreprise (monnaie fonctionnelle).

Les conditions suivantes doivent néanmoins être remplies :

  • La monnaie étrangère choisie doit être la plus importante dans le cadre des activités de l’entreprise ;
  • le capital-actions doit avoir une contre-valeur de 100’000 francs au moins lors de la constitution de la société ;
  • la même monnaie doit être utilisée pour la comptabilité commerciale et la présentation des comptes ;
  • s’il existe, le capital-participation doit être fixé dans la même monnaie que le capital-actions.

À noter que selon le droit fiscal, le bénéfice net imposable doit être converti en francs suisses. Le taux de change moyen (vente) de la période fiscale est déterminant. Si l’assujettissement devait être inférieur à 1 an alors le taux de change moyen à prendre en considération est celui de la période en question. En ce qui concerne le capital imposable, le taux de change au jour de clôture de l’exercice commercial prévaut.

  • Il sera possible de prévoir le versement d’un dividende intermédiaire à condition qu’un bilan intermédiaire soit établi :

Une révision de celui-ci sera obligatoire, à l’exception des sociétés ayant renoncé au contrôle restreint de ses comptes. Outre cette obligation, un tel dividende sera soumis aux deux conditions supplémentaires suivantes :

  • Accord de tous les actionnaires
  • Intérêts des créanciers de la société ne soient pas compromis.

Aucune modification des statuts ne sera obligatoire.

À noter que lorsque des comptes intermédiaires devront être établis, les règles applicables aux comptes annuels s’appliqueront également. Cependant, des simplifications sont admissibles, à l’exception des rubriques qui figurent dans les derniers comptes annuels, pour autant que la marche des affaires donnée par les comptes intermédiaires ne s’en trouve pas altérée. En cas de simplification des comptes intermédiaires, lesdites simplifications devront être mentionnés dans l’annexe aux comptes. De plus, l’annexe devra contenir une explication du but desdits comptes intermédiaires et tout autre écart ou facteurs importants à souligner.

D’un point de vue fiscal, il est à mettre en évidence qu’un tel dividende intermédiaire devrait être considéré comme extraordinaire. Ainsi, la valeur de rendement de la société mère, au bénéfice d’un tel dividende, verrait sa valeur de rendement augmentée. Ainsi, il a été confirmé que les dividendes intermédiaires ne devront pas être pris en considération dans le cadre de la détermination de la valeur de rendement en raison de leur caractère unique et extraordinaire.

  • Présentation des capitaux propres et réserves pour actions propres :

Les capitaux propres devront être désormais présentés comme suit :

  • Capital social
  • Réserve légale issue du capital

Désormais, la réserve légale issue du capital peut être remboursée aux actionnaires si les réserves légales issues du capital et du bénéfice après déduction du montant des pertes éventuelles dépassent 50% du capital-actions inscrit au registre du commerce. Pour les sociétés holding, les réserves légales issues du capital et du bénéfice doivent dépasser 20 % du capital-actions inscrit au registre du commerce. Enfin, la réserve légale pour actions propres et la réserve légale issue du bénéfice de réévaluations ne sont pas prises en considération dans le calcul du seuil de 50% ou 20% mentionné ci-dessus.

  • Réserve légale issue du bénéfice, avec indication séparée de la réserve :
    • pour actions propres (voir ci-dessous à ce sujet) et
    • de réévaluation (les immeubles ou les participations dont la valeur réelle dépasse le prix d’acquisition ou le coût de revient peuvent être réévalués jusqu’à concurrence de cette valeur au plus. Une attestation écrite de l’organe de révision, ou d’un réviseur agréé s’il n’y a pas d’organe de révision, doit être adressée au Conseil d’Administration)
  • Réserves facultatives (prévues dans les statuts ou décidées par l’AG)
  • Propres parts du capital (en moins)
  • Bénéfice/perte reporté
  • Bénéfice/perte de l’exercice

En ce qui concerne les actions propres acquises, l’obligation de constituer une réserve pour actions propres n’est plus prévue, conformément à la pratique suite au nouveau droit comptable. L’inscription des actions propres au bilan vient en réduction des capitaux propres, à la valeur d’acquisition. Cette écriture comptable doit aussi être réalisée par analogie par la société lorsqu’une société qu’elle contrôle acquière ses parts.

D’un point de vue fiscal, pour rappel, le Tribunal Fédéral avait confirmé que l’acquisition d’actions propres se traduisait par une diminution d’actifs de la société de capitaux. Dès lors, il faut considérer également que la réserve négative pour propres actions diminue l’assiette de l’impôt sur le capital.

  • Abrogation de l’actuel art. 628 CO :

Cela a pour conséquence que la reprise de biens envisagée d’actionnaires ou de personnes qui leur sont proches ne sera désormais plus considérée comme une fondation qualifiée nécessitant le respect des exigences de forme prévues (modification des statuts et inscription au registre du commerce notamment). De telles reprises restent toutefois soumises aux dispositions sur la conservation de l’actif social et à celles sur la responsabilité.

 

E. Insolvabilité :

  • La notion d’insolvabilité fait enfin son entrée dans le Code des obligations. Le Conseil d’Administration devra surveiller la solvabilité de l’entreprise :

En cas de risque d’insolvabilité, le Conseil d’Administration devra prendre les mesures visant à garantir sa solvabilité sans pourtant avoir une obligation légale d’établir un plan de trésorerie. Il prendra ensuite des mesures supplémentaires d’assainissement ou proposera de telles mesures à l’Assemblée Générale, si cela relève de sa compétence. Le Conseil d’Administration doit, si nécessaire, déposer une demande de sursis concordataire. Dans tous les cas, il doit agir avec célérité.

  • La nouvelle disposition du code des obligations précisera la notion de perte de capital :

Une société se trouve dans une telle situation lorsque ses actifs, après déduction des pertes, ne couvrent plus la moitié du capital-actions, de la réserve légale de capital et de la réserve de bénéfices. Dans un tel cas, le Conseil d’Administration est tenu de convoquer immédiatement une Assemblée Générale et de lui proposer des mesures d'assainissement. En outre, le Conseil d’Administration doit soumettre les comptes annuels à un contrôle restreint avant leur approbation par l'Assemblée Générale ; en cas d'opting-out, le Conseil d’Administration doit nommer un réviseur agréé. Tout comme le Conseil d’Administration, l'organe de révision ou le réviseur désigné doit agir avec célérité.

  • Une société est surendettée lorsque ses actifs ne couvrent plus ses dettes :

La réforme maintient l’obligation pour le Conseil d’Administration d’établir des comptes intermédiaires à la valeur d’exploitation et à la valeur de liquidation. Ces derniers devront faire l’objet d’une révision, s’il en résulte que la société est effectivement surendettée, le Conseil d’Administration devra en aviser le juge. Ce dernier devra alors soit déclarer la faillite de la société, soit procéder à un sursis concordataire. L’ajournement de la faillite ne sera plus possible.

Toutefois, le Conseil d’Administration ne sera pas tenu d'informer le tribunal dans deux situations :

  • en cas de postposition d'une créance, comme le prévoit la législation en vigueur ;
  • ou lorsqu'il existe des raisons sérieuses de penser que le surendettement peut être éliminé dans les 90 jours suivant l'établissement des comptes intermédiaires, sans compromettre l’exécution des créances durant cette période.

 

F. Transparence dans les entreprises de matières premières :

  • Les sociétés soumises au contrôle ordinaire et actives dans la production de minerai, de pétrole, de gaz naturel ou encore dans l’exploitation de bois provenant de forêts primaires, auront l’obligation d’établir un rapport annuel sur tous les paiements d’au moins CHF 100'000 effectués au profit de gouvernements en rapport avec l’exploitation de matières premières (suisses ou étrangers).
  • Par souci de transparence, le rapport devra rester disponible au public pendant une période de 10 ans au moins.
  • Règles applicables à partir de l’exercice social 2022 (dès le 01.01.2022).

 

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