Le 22 octobre 2025, le Service Public Fédéral Finances a publié la circulaire 2025/C/68 (néerlandais / français), apportant des clarifications concernant la loi belge du 19 décembre 2023 introduisant une imposition minimale de 15% pour les entreprises multinationales et les grands groupes nationaux.


Cette circulaire, particulièrement volumineuse (247 pages), commente les dispositions de la loi relative à la taxe minimale mondiale. Elle replace les nouvelles règles dans le cadre du projet OCBE BEPS 2.0 / Pilier 2 et de la directive européenne 2022/2523, clarifie les principales définitions et méthodes de calcul, et décrit le fonctionnement des impôts complémentaires (Top-up taxes) tels que l’impôt national complémentaire qualifié (Qualified Domestic Minimum Top-up Tax (QDMTT)), la règle d’inclusion du revenu (Income Inclusion Rule (IIR)), et la règle relative aux bénéficies qualifiés insuffisamment imposés (Undertaxed Profits Rule (UTPR)). La circulaire souligne explicitement que les interprétations qu’elle contient s’appliquent exclusivement à la mise en œuvre de la loi relative à la taxe minimale et ne peuvent pas être transposées automatiquement à l’impôt des sociétés ordinaire ou à d’autres législations fiscales.
 

La circulaire 2025/C/68 en tant que guide pratique aligné sur les lignes directrices de l’OCDE et de l’UE.
 

La circulaire n’introduit ni nouveaux enseignements ni surprises majeures. Son contenu reflète étroitement ce qui était déjà connu à partir des sources internationales. Elle s’appuie principalement sur les commentaires de l’OCDE (Consolidated Commentary on the GloBE Model Rules, avril 2024), sur les OECD Pillar Two Administrative Guidance, ainsi que sur la FAQ accompagnant la directive européenne relative au Pilier 2.


En d’autres termes, l’administration fiscal belge s’aligne sur le cadre fixé par l’CDE et l’Union européenne. En conséquence, la circulaire confirme et synthétise largement les règles et clarifications déjà publiées. Elle sert avant tout de guide pratique, permettant de résumer et de contextualiser les principes connus dans un cadre belge, sans introduire de déviations inattendues ou d’analyses supplémentaires.


Dans un précédent Tax Insight concernant la loi belge relative au Pilier 2, nous avions déjà exposé les grands principes.

 

Éléments (nouveaux) essentiels et points d’attention

Bien que la circulaire n’introduise pas de nouvelles règles révolutionnaires, elle expose clairement les points essentiels et les obligations découlant de la nouvelle taxe minimale.

Parmi les éléments notables, citons :

  • Champ d’application et définitions : Explication des groupes entrant dans le champ des règles : groupes multinationaux et grands groupes nationaux dont le chiffre d’affaires annuel consolidé est ≥ € 750 millions.
    La circulaire définit les concepts essentiels tels qu’entité du groupe, groupe d’entreprises multinationales (EMN), entité mère ultime, etc. conformément à la loi et aux définitions de l’OCDE. Certaines ambiguïtés présentes dans la loi ont été levées ; par exemple, des précisions sont apportées quant aux entités qualifiant d’entité constitutive.
     
  • Calcul du revenu qualifié et de l’imposition effective: La méthodologie permettant de déterminer le revenu GloBE et les impôts ajustés par juridiction est expliquée en détail.
    La circulaire décrit comment passer des comptes commerciaux à la base taxable ajustée, et comment le taux d’imposition effectif (effective tax rate (ETR)) par juridiction est calculé conformément aux règles de l’OCDE. 

    Les exclusions[1]ajustements, et les carve-outs (e.g. l’exclusion de bénéfices liée à la substance) sont clarifiés. La circulaire confirme, notamment, le traitement de certains régimes CFC : le concept de régimes fiscaux CFC globalisés (y compris le régime américain GILTI) est mentionné en référence à l’article 67/1 de la loi et aux commentaires de l’OCDE. De telles références illustrent l’adhésion de la Belgique aux interprétations internationales dans des situations complexes.
[1] Afin de réduire la charge administrative durant les premières années, des régimes temporaires de protection (safe harbours) ont été introduits. Ceux-ci permettent une évaluation simplifiée — sans calculs complexes — du risque d’existence de revenus faiblement imposés dans une juridiction donnée. L’évaluation repose principalement sur les données issues du rapport Country-by-Country (CbCR) du groupe (à publier pour les exercices comptables commençant le ou après le 22 juin 2024). Si un groupe ne peut se prévaloir d’un des trois régimes de sécurité pour un pays donné, aucun impôt complémentaire (top-up tax) n’est dû pour cette juridiction. Cela permet au groupe d’éviter la complexité liée au calcul du revenu qualifié et des impôts couverts.

À noter : le principe “une fois exclu, toujours exclu” s’applique — si une juridiction ne remplit pas les conditions pour un régime de protection pour un année donnée, elle ne pourra plus y prétendre pour les années suivantes.
[2]  Il existera toujours une obligation de dépôt, que le groupe soit ou non redevable d'un impôt complémentaire en Belgique ou qu'il puisse se prévaloir d'un des régimes de protection (safe harbours).
 
  • Calcul et allocation de l’impôt complémentaire : Les règles de détermination des montants d’impôt complémentaire sont expliquées. Une juridiction dispose en premier lieu du droit d’appliquer un impôt national complémentaire qualifié (QDMTT) sur les bénéfices faiblement imposés.
    Si tel n’est pas le cas, la charge est transférée au niveau du groupe via la règle d’inclusion des revenus (RIR) supportée par l’entité mère ultime et, en dernier ressort, via la règle relative aux bénéfices qualifié insuffisamment imposés (RBII) en tant que mécanisme de sauvegarde. La circulaire décrit ce mécanisme en cascade conformément au modèle de l’OCDE.
    Des situations particulières telles que les restructurations, les acquisitions et les régimes transitoires sont également abordées.
     
  • Obligations pratiques : Les obligations de conformité sont traitées, notamment pour l’obligation de notification pour les groupes entrants dans le champ d’application (voir notre précédent Tax Insight sur ce sujet), le dépôt de la déclaration d’information GloBE (GIR), ainsi que la déclaration à l’impôt national complémentaire (voir notre Tax Insight sur la déclaration QDMTT). Bien que la circulaire ne détaille pas les aspects techniques du dépôt, elle confirme qui doit ou peut déposer (par ex. l’entité du groupe chargée du dépôt) ainsi que les délais légaux.  Elle mentionne également la responsabilité solidaire des entités du groupe en ce qui concerne les impôts complémentaires belges.
     

En résumé, la circulaire constitue un guide exhaustif dans lequel l’administration fiscale expose de manière systématique la nouvelle taxe minimale. Pour les entreprises entrant dans son champ d’application, elle confirme les règles applicables et fournit les renvois utiles aux commentaires officiels de l’OCDE ainsi qu’aux exemples correspondants.
 

Que manque-t-il dans la circulaire ?

Il est notable que certains aspects ne sont pas traités. La portée de la circulaire est expressément limitée au Titre II, chapitres 1–10, (partiellement) 12 and 13 de la loi. Par conséquent, le chapitre 11 de la loi, “Établissement et recouvrement de la taxe minimale”, n’est pas abordé. En pratique, cela signifie qu’aucune clarification n’est fournie quant aux formalités d’établissement et de recouvrement de la taxe minimale. Les détails relatifs à la procédure d’établissement, au paiement et au traitement administrative de l’impôt complémentaire sont donc absents — ce qui était attendu, les autorités fiscales ayant l’intention de traiter ces aspects pondéraux à une phase ultérieur. 

Compte tenu des échéances qui approchent (dans un délai de 11 mois après la clôture de l’exercice, soit au plus tard le 30 novembre 2025 pour les groupes clôturant au 31 décembre, pour l’exercice financier 2024 (première année d’application du Pilier 2) et de la nécessité d’obtenir des clarifications supplémentaires concernant les obligations pratiques liées à la QDMTT (dépôt de la déclaration, etc.), l’administration fiscale a décidé d’accorder une prolongation jusqu’au 30 juin 2026 pour le dépôt de toutes les déclarations relatives à l’impôt national complémentaire dont l’échéance tombe avant cette date (annonce du Service Public Fédéral Finances du 17 novembre 2025). Des instructions pratiques et une documentation technique concernant la procédure de dépôt seront communiquées ultérieurement. 

Par ailleurs, la circulaire ne fait aucune référence à la proposition américaine dite side-by-side.
Cette proposition, discutée au niveau du G7 en 2025, vise à tenir compte du fait que les groupes américains sont déjà soumis à leur propre régime d’imposition minimale (GILTI). Cette solution aurait pour effet d’exclure les groupes multinationaux établis aux Etats-Unis d’Amérique de l’application de la règle d’inclusion du revenu qualifiée (RIR) et de la règle relative aux bénéfices qualifiés insuffisamment imposés (RBII) dans le cadre du Pilier 2, compte tenu des règles américaines existantes en matière de taxation minimale. Bien que cette proposition ait été rendue publique à la mi-2025, la circulaire n’en fait aucune mention et ne contient aucune analyse de son éventuel impact, se concentrant uniquement sur la législation belge actuellement en vigueur.   


Enfin, la circulaire ne mentionne pas le nouveau projet de loi (Documents parlementaires, La Chambre, Session 2024–2025, No. 56-1070), déposé en octobre 2025, qui propose d’apporter des modifications techniques à la loi du 19 décembre 2023. Ce projet de loi, daté du 17 octobre 2025, vise à codifier plusieurs aspects procéduraux importants qui avaient été omis dans la loi initiale. Il prévoit notamment l’introduction d’un système formel d’établissement de la taxe minimale (permettant aux autorités fiscales d’émettre un avis d’imposition unique couvrant le QDMTT, la RIR et la RBII pour l’ensemble des entités belges d’un même groupe). Il crée également la notion de représentant général pour les groupes comportant plusieurs entités belges, chargé d’accomplir les obligations du groupe. Par ailleurs, il propose de réduire le délai de prescription applicable à la taxe minimale de 10 à 6 ans, et d’étendre la responsabilité solidaire à certaines entités associées (par exemple, les coentreprises) relevant de la QDMTT. Ces éléments ne figurent pas dans la circulaire actuelle, car ils relèvent d’une future modification législative. La circulaire se limite à commenter la loi telle qu’adoptée fin 2023, tandis que le projet de loi reste en cours d’examen parlementaire.


Conclusion: La nouvelle circulaire relative à la taxe minimale consolide principalement les connaissances existantes et les orientations internationales dans un contexte belge. Elle confirme la mise en œuvre du Pilier 2 en Belgique, sans toutefois introduire d’interprétations nouvelles ou inattendues. Elle fournit néanmoins des orientations claires et utiles concernant le calcul et l’application de l’impôt complémentaire, ainsi que les obligations des contribuables. Des sujets tels que le processus concret d’établissement et de recouvrement, certaines exceptions internationales (comme la solution américaine side-by-side), ou encore les futures modifications techniques de la législation demeurent en dehors du champ de la circulaire et devront être suivis au moyen de nouvelles instructions administratives ou de mises à jour législatives.


Approche étape par étape

Le calcul des différents impôts complémentaires se déroule comme suit :

  1. Définition du champ d’application, des juridictions et des entités relevant du Piller 2 ;
  2. Vérification de l’éventuelle application d’un des régimes de sécurité temporaires. Si aucun ne s’applique, il convient de passer aux étapes 3 à 6 ;
  3. Calcul du revenu ou de la perte qualifié(e) par juridiction (en tenant compte de l’exclusion liée à la substance, en vertu de laquelle une partie du résultat peut être exclue du calcul de l’impôt complémentaire) ;
  4. Détermination des impôts couverts par juridiction ;
  5. Calcul du Taux Effectif d’Imposition par juridiction ;
  6. Application de l’impôt complémentaire approprié (l’impôt national complémentaire qualifié, RIR ou RBII).
     


Si vous souhaitez obtenir des informations complémentaires à ce sujet ou si vous avez besoin d’assistance fiscale, l’équipe RSM Belgium Tax est à votre disposition via [email protected].